Quelques brèves réflexions après la grâce d'un préfet
Le président de la République vient de décider, selon les compte-rendus des medias, d’accorder à l’ancien préfet Monsieur Marchiani, condamné à 3 années de prison pour trafic d’influence, une grâce partielle correspondant à 6 mois de remise de peine, ceci devant permettre à ce dernier de solliciter une libération conditionnelle (qui ne peut être accordée que quand la peine restant à accomplir est inférieure au seuil fixé par la loi).
Cette façon de procéder est pour le moins troublante.
Elle l’est d’abord parce que l’exercice du droit de grâce est totalement discrétionnaire. La décision du chef de l’Etat (qui voulait supprimer le droit de grâce) n’obéit à aucun critère, elle n’est pas motivée, elle n’est soumise au contrôle d’aucune juridiction et n’est précédée d’aucun débat public. De fait, elle ne dépend que du bon plaisir du prince. C’est en ce sens qu’il s’agit d’une pratique d’un autre âge particulièrement anti-démocratique.
Elle l’est dans le cas d’espèce par les explications diffusées par l’Elysée. En effet, toujours selon les medias, cette grâce n’aurait pas été décidée dans le seul intérêt de l’ami du président, mais serait incluse dans la grâce d’une trentaine de personnes.
Ce n’est pas sans un certain sens de l’humour qu’il nous est affirmé que Monsieur Marchiani a été choisi selon les mêmes critères que les autres graciés de cette fin d’année 2008. On voudrait donc nous faire croire que quand il a été décidé de choisir des détenus "au comportement exemplaire" ayant montré une "détermination hors du commun à suivre une formation professionnelle, à rechercher un emploi ou à suivre des soins" (cf. Le Monde du 23 décembre), c’est par hasard qu’après une enquête minutieuse auprès des dizaines de milliers de condamnés français le nom de l’ancien préfet est immédiatement apparu en tête de liste. Et que cet ancien préfet a courageusement suivi en prison une "formation professionnelle" ou a été volontaire pour se faire "soigner". Ou, si tel est le critère ainsi que l'ont retenu certains medias, qu'il soit à l'origine d'un "acte de bravoure" pendant sa détention. Comme il est bon de pouvoir se détendre un peu en cette période de crise grâce au service de presse de la présidence de la République.
Rappelons par ailleurs que le comportement avant la condamnation est déjà pris en compte par la juridiction pénale qui choisit toujours une sanction en fonction de l'infraction commise mais aussi en fonction de la personnalité et du parcours du prévenu. Et les attitudes positives avant l'acte délinquant sont toujours un facteur de modération de la peine. Retenir comme motif de grâce le comportement positif du condamné avant le prononcé de la sanction revient donc à l'en faire bénéficier deux fois.
Il n’en reste pas moins qu’il existe dans les prisons françaises des centaines de détenus qui, eux, font de réels et très importants efforts pour se comporter du mieux qu’il est possible dans un tel endroit, et qui notamment, alors qu’ils ont un niveau scolaire très bas, ont le courage de se lancer dans un apprentissage scolaire rendu particulièrement difficile par les conditions d’incarcération et le temps réellement disponible pour les études. Le comportement de certains d’entre eux est vraiment admirable.
Sans doute leurs efforts sont-ils pris en compte par les juridictions chargées de l’application des peines. Tant mieux.
Mais on aimerait savoir quels sont les mérites de Monsieur Marchiani (1) qui ont convaincu le président de la République que ceux de tous ces détenus courageux ne valaient pas les siens.
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1 - Plus largement, il serait opportun de nous expliquer en détails en quoi, alors que tous les jours des diplomates s'affairent dans le monde pour résoudre toutes sortes de conflits et notamment des prises d'otages, et en cela font seulement leur travail, l'intervention de Monsieur Mariani a été inhabituelle et exceptionnelle, cela d'autant plus que ce n'est jamais une personne seule qui met fin à un enlèvement. Mais il est sans doute utile, au moment d'une grâce présidentielle, et sans fournir d'autre explication aux français ordinaires, de le présenter comme "le" libérateur des otages....