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Guide de la protection judiciaire de l'enfant

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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


   L’une des propositions de la commission « Varinard » qui a suscité le plus de réactions, parfois très vives, c’est celle qui prévoit de fixer le seuil de responsabilité pénale des mineurs à 12 ans, la commission envisageant par la même occasion la possibilité d’incarcérer les enfants de cet âge qui commettent un crime. Immédiatement de nombreuses voix de sont élevées, essentiellement pour dénoncer la possibilité d’envoyer des enfants aussi jeunes en prison. Toutefois la question de l’âge inférieur de la responsabilité pénale ne se résume pas à celle de l’âge à partir duquel il est légitime d’emprisonner un enfant. Alors, essayons d’aller un peu plus avant dans le débat.


   La règle actuelle est fixée par l’article 122-8 du code pénal : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables ». Cela signifie qu’il n’existe pas de seuil d’âge minimal, et que peut être déclaré pénalement responsable tout mineur capable de discernement. On voit tout de suite combien ce texte est source de difficultés puisque la notion de « discernement » n’y est pas définie. Son application est donc dépendante de l’évolution de chaque enfant et de la conception des professionnels sur ce que recouvre ce mot. C’est, dans une certaine mesure, la porte ouverte à l’incertitude et par voie de conséquences à l’injustice si deux situations semblables sont appréciées différemment. Pour ces raisons, il est opportun de modifier notre législation et de retenir un seuil fixe de responsabilité pénale, ainsi que le font la plupart des pays européens.


   Par ailleurs, l’erreur souvent commise est de croire que actuellement l’âge inférieur de la responsabilité pénale correspond à l’âge à partir duquel on peut envoyer un mineur en prison. Cela est inexact. En effet, le même article précise que la « loi détermine (..) les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». En clair, il n’est pas possible actuellement d’envoyer en prison un mineur de moins de 13 ans, même pour crime, et les sanctions prononcées contre les moins de 13 ans ne peuvent être que « éducatives » (nous reviendrons sur ce point dans un autre article).


   Une fois le principe admis de l’utilité d’un âge minimal de responsabilité pénale, au demeurant conformément à ce que recommande la convention internationale des droits de l’enfant dans son article 40-3/1, encore faut-il le choisir, et, auparavant, s’interroger sur le sens de cette notion. Notons que, malheureusement, le rapport Varinard ne s’attarde pas sur la notion théorique de « responsabilité pénale », et, quand il formule sa proposition n° 12 (âge minimal de 12 ans), se contente d’affirmer sans rien démontrer la nécessité de répondre à la « réalité actuelle de la délinquance juvénile ».


   L’âge de la responsabilité pénale doit-il correspondre à l’âge à partir duquel la plupart des mineurs ont conscience de commettre une faute et peuvent comprendre le sens d’une sanction ? C’est conserver comme référence la notion du discernement actuellement en vigueur. Si tel est le critère, on constatera que dans les collèges les règles disciplinaires permettent au conseil de discipline de sanctionner des enfants de 6ème, donc de 11 ans, quand ils commettent une faute grave, notamment de violence envers un élève ou un professeur. Au-delà, il est plausible de soutenir que de nos jours un enfant de 9 ans normalement évolué qui dans la cour d’une école primaire prend un bâton et frappe délibérément un autre enfant à la tête sait parfaitement ce qu’il fait, le mal qu’il peut occasionner, et peut tout à fait comprendre la raison d’être d’une punition. Dès lors, si ce critère est conservé, il semble logique de descendre en dessous de 12 ans pour fixer l’âge de la responsabilité pénale.


   L’âge de la responsabilité pénale doit-il plutôt correspondre à l’âge à partir duquel il est légitime d’emprisonner un mineur ? Cela semble être le critère principalement retenu par la commission Varinard, qui considère souhaitable de permettre l’emprisonnement d’enfants de 12 ans ayant commis un crime. C’est donc un raisonnement à l’envers qui a été suivi. On ne part plus du sens théorique de la notion de responsabilité, mais de l’usage que l’on veut en faire.


   On le voit donc bien, il y a plusieurs façons d’aborder cette question de la responsabilité pénale des mineurs.


   Finalement, quel âge de responsabilité pénale faut-il choisir ? Essayons d’énoncer quelques critères fondamentaux.


   1. La responsabilité pénale d’un mineur ne peut pas découler uniquement de sa capacité à comprendre d'une part qu’il a commis une faute en ce sens qu’il a enfreint délibérément une règle dont il connaissait le sens, et d'autre part que son comportement peut entraîner une punition. En effet, parce que la responsabilité pénale déclenche un processus judiciaire, il faut en plus que le mineur concerné ait pleinement la capacité de participer au procès qui va lui être fait. Cela suppose qu’il sache ce qu’est un tribunal, qu’il connaisse les sanctions pénales, qu’il soit en mesure de réfléchir à l’organisation de sa défense avec un avocat, qu’il comprenne les mécanismes des recours judiciaires, bref qu’il maîtrise tout ce qui constitue un procès. Traduit en termes juridiques, il faut qu'il bénéficie d’un procès équitable, droit essentiel protégé par la convention européenne des droits de l’homme dans son article 6 et dont doivent bénéficier les mineurs encore plus que leurs aînés.


   Il existe donc indiscutablement un âge en dessous duquel il est exclu que la sanction se mette en place dans un cadre judiciaire. Pour ces jeunes enfants l’éventuelle sanction doit être choisie et mise en oeuvre dans un cadre familial, éducatif, éventuellement scolaire, mais certainement pas en ayant recours à la justice qui resterait trop peu compréhensible pour l’enfant poursuivi.


   2. La gravité de l’acte fautif ne peut pas être un critère essentiel dans le choix de l’âge de la responsabilité pénale, contrairement à ce que retient la commission Varinard. En effet, si du fait de son très jeune âge un mineur est incapable de comprendre suffisamment ce qu’est un procès et de se défendre efficacement  comme cela vient d’être souligné, le fait que l’infraction commise soit très grave n’y change absolument rien. C’est bien pour cela qu’il faut écarter fermement l’argumentation non seulement démagogique mais aussi très dangereuse qui consiste à prétendre, sans qu’au demeurant cela soit toujours exact, que puisque les mineurs sont dangereux de plus en plus tôt il faut également les punir en justice de plus en plus jeunes.


   3. Rendre de jeunes mineurs responsables pénalement suppose par ailleurs qu’il soit nécessaire d’utiliser des sanctions « pénales », c'est-à-dire celles que seuls les juges peuvent infliger. Par exemple il est inutile de contourner les obstacles précités et de rendre un mineur de 11 ans pénalement responsable pour pouvoir le sanctionner s’il agresse un autre enfant de son collège puisque le conseil de discipline de l’établissement peut déjà prononcer des sanctions importantes pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’établissement. Ne pas le considérer pénalement responsable ne signifie donc en rien un droit à l’impunité contrairement à ce qui est trop souvent affirmé.


   Actuellement les moins de dix ans  ne peuvent être condamnés qu’à des mesures éducatives (article 15 de l’ordonnance de 1945). Ce sont la remise aux parents ou le placement dans un service éducatif. Or l’intérêt très réduit de ses sanctions, qui sont rarement utilisées, ne justifie pas que des enfants de moins de 10 ans et qui ne peuvent pas maîtriser une procédure judiciaire soient considérés comme pénalement responsables et poursuivis en justice.


   Pour les enfants de 10 à 13 ans, le juge peut prononcer une « sanction éducative » (article 15-1 de l’ordonnance). Cela va de la confiscation de l’objet ayant servi à commettre l’infraction à l’obligation d’effectuer une mesure d’aide ou de réparation, de suivre un stage de « formation civique » ou d’effectuer des  « travaux scolaires », en passant par diverses interdictions (aller dans certains lieux, rencontrer telle personne..) et le placement en foyer. Toutefois, le système mis en place est incohérent puisque si le mineur condamné à l’une de ces sanctions ne l’exécute pas, la loi ne prévoit que son placement en foyer. Et s’il en fugue aussitôt…. il ne se passe  absolument rien, la loi n’ayant prévu aucune sanction de substitution ! Il est donc possible de s’interroger, en l’état du droit, sur l’opportunité de maintenir des « sanctions éducatives » que les enfants peuvent refuser d’exécuter sans aucun risque pour eux, cela pouvant par ailleurs ridiculiser le juge  et discréditer la justice (nous reviendrons sur cette question dans un prochain article).


   Il ne reste donc comme réelle sanction nécessaire que l’emprisonnement.


   3. Finalement, la question soulevée semble pouvoir se résumer de la façon suivante.     

  Quel est l’âge à partir duquel les enfants remplissent cumulativement les conditions suivantes : faute commise en sachant  qu’une règle préalablement assimilée est bafouée, conscience que l’acte est punissable et connaissance des punitions encourues, compréhension suffisante du processus judiciaire et aptitude à se défendre équitablement au cours d’un procès, nécessité de prononcer une peine de nature exclusivement judiciaire, notamment sous forme d’emprisonnement ?


   La réponse n’est pas aisée. Plusieurs âges sont possibles. Descendre en dessous de 12 ans est d’évidence inacceptable. Retenir 12 ans est plus que discutable en terme d'emprisonnement. Fallait-il conserver 13 ans ? Un âge plus élevé encore ?


   Qu’en pensez-vous ?




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G
Le gouvernement prépare une réforme de la justice des mineurs. Nous sommes un groupe pluridisciplinaire qui voulons témoigner de la complexité de ces questions et peser, avec vous,  dans le débat qui va s’ouvrir : <br /> http://quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr
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P
<br /> Ce lien a été mentionné sur un récent article de  :     www.justicedesmineurs.fr<br /> <br /> MH<br /> <br /> <br />
T
Si au demeurant la CIDE impose de fixer un âge en dessous duquel une sanction pénale ne put être encourue par un enfant, rien n'interdit  qu'un critère de discernement soit maintenu pour déterminer au cas par cas si une sanction pénale peut être appliquée à un enfant qui a dépassé cet âge minimal.
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P
Ce qui me gène dans cette analyse juridique, pour moi qui n'en suis pas un, c'est que l'on fait référence à des "sanctions éducatives" ce qui me parait relever d'une contradiction.Dans le sens commun, éduquer ne peut être en aucun cas une sanction.Si tel est effectivement le cas, dans l'esprit des juges, il faudrait alors requalifier la justice civile des enfants, en particulier ce que l'on appelle, là aussi indûment à mon avis de non-juriste, l'"assistance éducative" c'est à dire le placement des enfants hors de leur famille par décision de justice.Et donc revoir cette procédure pour la rendre enfin équitable vis-à-vis des familles et des enfants. Une émission récente sur France 2 , "le tribunal de l'enfance", montre clairement à mon avis que cette justice manque d'équité, surtout si une sanction (attentatoire aux libertés de l'enfant et de la famille) aussi forte que le placement peut être décidée en fin d'audience.qu'en pensez-vous ?
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P
<br /> Vous avez raison me semble-t-il.<br /> Parler de "sanction éducative", c'est effectivement troublant, puisque l'on est en droit de penser que si l'on veut "éduquer" cela ne peut pas être une démarche de "punition".<br /> Nous en reparlerons plus longuement dans un autre article, car cette question mérite des développements qui ne peuvent tenir dans une réponse à un commentaire.<br /> MH<br /> <br /> <br />
C
En fait, je ne suis pas convaincu par la nécessité de définir "en dur" un âge minimum. La formulation de L. 122-8 du code pénal, dont le billet montre les limites, me semble présenter l'avantage de tout ce qui est flou : c'est la pratique (i.e. la jurisprudence, avec la mission unificatrice de la Cour de Cassation) qui fixe la limite. Elle peut ainsi suivre l'évolution de la société (dont j'imagine qu'elle ferait évoluer cette limite plutôt vers le haut, mais j'ai peut-être trop confiance).Et après tout, pourquoi ne pas reformuler l'article avec la conclusion de ce billet ?Car je crains bien plus que le Législateur s'empare du sujet de manière, disons, plus intéressée que les juges de cassation...
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P
<br /> L'intérêt de définir un âge minimal, ce qui au demeurant est exigé par les textes européens, c'est surtout d'empêcher que soient conduits devant les tribunaux de trop jeunes enfants qui<br /> manifestement n'y ont pas leur place. Or on sait que chez certains élus la tentation est grande...<br /> MH<br /> <br /> <br />