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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette



   D'après les informations transmises par les medias, et non démenties par l'institution judiciaire, un homme en attente de son procès devant la cour d'assises pour viols, enlèvement et séquestration a été remis en liberté parce que dans le dispositif (les dernières phrases qui résument la décision, après les motifs qui l'expliquent) de l'arrêt de la chambre de l'instruction, après que celle-ci ait longuement explicité pourquoi il devait rester en prison, il a été écrit « infirme le jugement ». Or, puisque le juge des libertés et de la détention avait décidé du maintien de l'intéressé en prison, « infirmer » sa décision suppose prendre une décision contraire de la sienne, donc décider la remise en liberté. Bien sur cette mention dans le dispositif est d'évidence contraire aux motifs, mais en droit c'est ce qui est écrit dans le dispositif qui s'applique.


   La mise en forme d'une décision se fait de la façon suivante : Lorsque les juges qui ont délibéré sur un dossier ont pris leur décision, le rédacteur (qui n'est pas forcément celui qui a présidé l'audience) la met par écrit et transmet le document au greffe. Un greffier met la décision en forme puis la retransmet au président de l'audience qui la signe, parfois après relecture du rédacteur. Une fois cette signature du président apposée le document retourne au greffe et c'est alors au tour du greffier de signer. Il doit donc y avoir au moins deux lectures : par le greffier une fois la décision mise en forme, et par le juge avant qu'il la signe. Et plus l'enjeu du dossier est important, plus ces lectures doivent être attentives.


   Dans cette affaire les magistrats doivent très simplement, et sans aucun réflexe corporatiste déplacé, admettre qu'une erreur grave a été commise puisque la contradiction entre les motifs de la décision et son dispositif était particulièrement évidente. Et cette erreur est très regrettable surtout vis à vis des victimes (en laissant de côté la présomption d'innocence..), qui peuvent éventuellement craindre pour leur sécurité ou simplement trouver insupportable que leur agresseur soit en liberté. On ne peut que les comprendre.

Il n'empêche qu'avant de se faire une opinion définitive sur le fonctionnement de l'institution judiciaire quelques paramètres sont à prendre en compte.


Chaque année environ un million et demi de décisions pénales sont rendues par toutes les juridictions (des contraventions aux décisions des cours d'assises), dont 970.000 condamnations au sens strict du terme. Comme il a aussi été indiqué dans la presse qu'il s'agit de la première erreur de cette nature, on peut semble-t-il retenir pour la dernière décennie qu'il s'agit d'une erreur sur une dizaine de millions de décisions. En prenant en compte la seule juridiction concernée, on retiendra qu'il s'agit d'une erreur unique sur des dizaines de milliers d'arrêts rendus par les chambres de l'instruction au cours de la même période.


   Il serait également intéressant de connaître le nombre d'erreurs graves commises par le magistrat signataire de cette malheureuse décision. Il n'est pas exclu (le contraire n'a été affirmé par personne) qu'il s'agisse de la toute première de sa carrière alors que ce juge est dans la magistrature depuis très longtemps et vient d'être reconnu digne d'être nommé à la cour de cassation.


   C'est pourquoi, si pendant un instant on acceptait de laisser de côté ce dossier et d'élever le débat, chaque citoyen pourrait se poser cette question : une institution qui commet si peu d'erreurs graves par rapport à un aussi grand nombre de décisions est une institution qui fonctionne plutôt bien ou une institution à la dérive ?


   Bien sur, l'envie est grande de répondre que quand une erreur grave est commise cela ne réconforte pas ceux qui sont directement concernés de savoir que cette erreur est rarissime. Cela nous pouvons l'admettre aisément.


   Mais ce que nous demandons à tous ceux qui veulent émettre une opinion sur le fonctionnement de la justice c'est d'agir comme ils nous demandent de faire avec eux : être juste.


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M
Nous avons tous constaté dans quelles conditions fonctionnait la justice. Il  faut reconnaître que la faute revient d'abord aux députés qui n'ont pas voté les budgets nécessaires pour accélérer et améliorer son fonctionnement. Cependant nous avons aussi constaté qu'il y a aussi des magistrats inefficaces ou incapables contre lesquels -d'après d'autres magisrats (voir sur Eolas) - la hiérarchie ne fait rien.Donc pour mettre un terme à ce malaise je pense qu'il faut la combinaison BUDGET + EPURATION.Je vous prie de constater également l'existence de magistrats qui, profitant du fait que les avocats ne sont pas à la hauteur et "s'écrasent" (P.houillon) en vont même jusqu'à trahir l'Etat.A lire cette histoire et vérifier qui a validé:http://chroniquedelhumaniteordinaire.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/07/07/la-guerre-des-juges.html#commentsVoici les propositions que j'ai faites à la commission Darrois“Afin de garantir une défense digne de ce nom aux justiciables, il apparaît nécessaire d'imposer des obligations aux professionnels du droit, auxiliaires de justice- refus de participer à des parodies de justice- recours contre les magistrats qui trahissent l’Etat- recours contre les magistrats qui s?abritent derrière les textes pour laisser perdurer des dysfonctionnements- sanctions pour manquement à ces obligations- sanctions pour refus d’appliquer ces sanctions”Salutations
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X
Le prévenu a été libéré par une décision de remise en liberté du Juge d'instruction. Celui ci a dû constater que la chambre d'instruction avait pris une décision d'infirmation ce qui revenait à annuler le mandat de dépôt pris par le JLD. Puisque le juge d'instruction n'était pas dessaisi (et qu'il a pu prendre une décision de contrôle judiciaire) pourquoi ne pouvait-il pas prendre immédiatement un mandat d'amener de façon à présenter l'accusé au JLD de façon à obtenir une nouvelle décision de détention provisoire. Je crois savoir qu'il est possible de prendre un nouveau mandat d'arrêt après une précédente annulation même en l'absence de faits nouveaux.
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L
Pour les deux sous que valent mon opinion, l'erreur est humaine et l'humain est une erreur ;-) Ou plutôt, pas d'humanité sans une somme d'erreurs accumulées, dont certaines ont eu des effets catastrophiques, d'autres des effets extrêmement positifs (découvertes de médicaments, etc.)La question est : que permet la loi pour corriger une telle erreur ? Existe-t-il dans les textes une possibilité de ré-incarcérer la personne libérée par erreur ?
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P
<br /> Sur cette question les avis sont partagés.<br /> Pour faire simple, la loi dit ceci :  une juridiction qui a rendu une décision peut corriger une "erreur matérielle" qu'elle contient. Mais encore faut-il démontrer qu'il s'agit d'une<br /> erreur.<br /> Un exemple : si un tribunal écrit dans les motifs de sa décision que les faits justifient une sanction sévère mais sans indiquer la peine qu'il retient, et que dans le dispositif il est écrit trois<br /> "mois" alors que les juges voulaient trois "ans", rien ne permet de prouver que les trois "mois" sont une erreur. A l'inverse, je pense personnellement que si dans les motifs il est écrit que les<br /> faits justifient une "peine sévère de trois ans", les trois "mois" dans le dispositif sont une erreur rectifiable.<br /> Dans cette affaire, il semble d'après les medias que la chambre de l'instruction ait clairement écrit dans les motifs de sa décision qu'elle veut maintenir l'intéressé en prison. La mention<br /> "infirme le jugement" qui est contraire pourrait donc être considérée comme une erreur et rectifiée. Mais la cour d'appel puis la cour de cassation si elle est saisie auront à dire le droit.<br /> <br /> <br />