Une histoire brisée
Par Michel Huyette
Nous étions pourtant nombreux à travailler ensemble. Et nous avons tout essayé.
Il nous souriait tout le temps, il répondait gentiment à nos questions, il disait oui à tout ce que nous lui proposions. Et puis il faisait le contraire.
Quand les garçons de son âge étaient sur les bancs du collège, son univers était la rue. Nous n'avons jamais vraiment compris pourquoi. Sa mère non plus, toujours présente, toujours à l'écoute, toujours disponible.
Notre inquiétude a encore augmenté aux premières entorses à la loi, et aux premières sanctions. L'aide a été intensifiée, mais cela n'a rien donné de vraiment efficace.
Nous nous sommes rarement sentis autant désarmés.
Et puis un matin la greffière est entrée dans mon bureau de juge des enfants. Son air était sombre. Elle m'a dit : c'est encore lui. J'ai pensé qu'il devait être dans un commissariat, interpellé après quelque chose de grave. Puis elle m'a expliqué.
La nuit passée il était encore dehors. Avec des copains plus âgés ils sont allés dans une autre ville, à une cinquantaine de kilomètres.
Le matin, sur le chemin du retour, le conducteur a roulé beaucoup trop vite. Lui était passager. A un carrefour, leur trajectoire a croisé celle d'un camion.
La collision les a tous emportés vers un ailleurs incertain.
C'était il y a quinze ans.
Son souvenir nous hante encore.