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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette


Dernièrement deux juges d'instruction, saisis de poursuites pour fraude électorale contre un candidat au poste de maire du 5ème arrondissement de Paris, ont décidé de son renvoi devant un tribunal correctionnel et ont donc rendu une « ordonnance » en ce sens. Ce qui est plus original, c'est que la signature de ce document n'a pas été précédée de la remise des réquisitions du produreur de la république de Paris.


Concrètement comment cela fonctionne-t-il ? Chronologiquement le procureur de la république ouvre une information judiciaire et un (ou des) juge d'instruction est saisi, à l'issue de ses investigations le juge d'instruction avise le procureur qu'il a bouclé son dossier et il le lui transmet, le procureur doit rédiger un réquisitoire définitif qui est transmis au juge d'instruction, et, enfin, ce dernier rédige une « ordonnance de renvoi », acte qui saisit la juridiction de jugement. Puis le mis en examen est jugé, coupable ou innocent.


Ce qui n'est pas banal dans notre affaire, c'est que les deux juges d'instruction saisis ont rendu leur ordonnance de renvoi de ce candidat devant le tribunal correctionnel sans avoir reçu le réquisitoire du procureur de Paris. Cela est tout à fait légal et est même expressément prévu par la loi, le but étant d'empêcher le procureur de bloquer le déroulement d'une affaire *.  Mais de la part de juges d'instruction, agir ainsi demande un certain courage...


En tous cas il ne s'agit pas d'une erreur du procureur de Paris. Celui-ci a indiqué aux medias que c'est délibérément qu'il a retardé la remise de son réquisitoire aux juges d'instruction, ceci afin de respecter une « tradition républicaine ». Il s'agirait de ne pas intervenir alors qu'une campagne électorale est en cours.


Mécontente, une candidate aux élection à Paris, du même parti que le candidat renvoyé devant le trbunal, s'est « interrogée sur l'impartialité de la justice ». Plus étonnant, le procureur de la république est lui aussi intervenu pour expliquer son geste et, de fait, contester le comportement des juges d'instruction. Pour lui, il il s'agirait d'une « critiquable immixtion dans la campagne électorale ».


Que penser de tout ceci ?


Sur le principe d'abord, les juges qui déroulent une procédure doivent-ils agir différemment quand le mis en examen est un citoyen ordinaire et quand il est un candidat à une fonction électorale ? Plus précisément, les juges d'instruction doivent-ils « geler » leur procédure à l'approche de toute campagne à laquelle participe un mis en examen ?


Sous l'argument de la « tradition républicaine », apparaît l'idée qu'il faut d'abord laisser le peuple s'exprimer et que des actes judiciaires ne doivent pas polluer une campagne électorale.


Mais cela suscite quand même bien des interrogations.


- Les citoyens doivent-ils être informés de tout ce qui concerne la vie publique des candidats avant les élections, afin d'intégrer tous les paramètres dans leur réflexion, ou est-il préférable de ne les informer que le lendemain du vote, au risque que certains regrettent de ne pas avoir su ce qu'il en était des déboires judiciaires de l'un des candidats ?


- Si le candidat mis en examen est élu puis condamné et subit une peine d'inéligibilité, il devra démissionner de son poste. Et une nouvelle élection devra avoir lieu pour le remplacer. Le processus démocratique en sortira-t-il gagnant ? Et il y aura bien au final une « interférence » entre l'élection et le processus judiciaire, interférence dénoncée par le procureur de la république de Paris et les candidats du même parti que le mis en examen.


- Pendant combien de temps avant le jour de l'élection la procédure pénale doit-elle être « gelée » ? Des jours, des semaines, des mois ? Faut-il prendre en compte la date d'ouverture officielle de la campagne, la date de la déclaration officielle de candidature, ou, ce qui peut-être bien plus tôt, la date à laquelle le mis en examen indique qu'il envisage d'être candidat ?


- Et au delà de quel délai le refus du procureur de la république de transmettre son réquisitoire définitif aux juges d'instruction devient-il manifestement déraisonnable et la « tradition républicaine » se transforme-t-elle en protection politique d'un candidat ?


- Ce « gel » de la procédure doit-il concerner uniquement les infractions en lien avec les élections, ou n'importe quelle infraction commise par un candidat ? Et si l'infraction est de nature personnelle et non publique, s'il en est résulté des victimes, est-il légitime de les faire attendre alors que l'affaire est en état d'être audiencée ?


Finalement, s'ils attendent passivement un réquisitoire définitif qui tarde à venir les juges d'instruction se verront reprocher d'être à la botte d'un ministère public lui-même soumis (de plus en plus, rappelons nous les récents propos de la ministre de la justice) au pouvoir hiérarchique politique, et ils auront tort. Mais s'ils suivent le même rythme dans toutes les procédures et ne tiennent pas compte du calendrier électoral ils se verront reprocher de comploter contre des élus ou de potentiels élus, et ils auront tout autant tort.


Alors, dans le doute, le plus raisonnable n'est-il pas de ne faire aucune différence entre les dossiers des uns et les dossiers des autres, étant rappelé que la date de fin d'instruction ne dépend nullement des juges d'instruction mais de la nature des infractions poursuivies, de l'ampleur des investigations à mener, et des diligences des services enquêteurs ?


Et puis de toutes façons, de la part de candidats potentiels à des élections, la meilleure « tradition républicaine » ne consisterait-elle pas à ne commettre aucune infraction....


* cf. article 175 du code de procédure pénale


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L
Tout à fait d'accord ! En tant que beta-électrice, je préfèrerais bien évidemment être au courant si un candidat était suspecté de fraude électorale.oui, mais dans ce cas, la présomption d'innocence, elle est où ?en tout cas, l'indépendance de la justice est quelque chose à quoi on est attaché, si on se réclame de la République, n'est-ce pas ? ;-) Et il n'y a rien de républicain à retarder articiellement une procédure.Donc au bémol de la présomption d'innocence près, la bétaélectrice que je suis est plutôt d'accord :)
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P
D
Je souscris pleinement à la conclusion de cet article, voire aux conclusions...Le plus grand gage d'impartialité, d'égalité et de séparation des pouvoirs me semble également de faire fi du calendrier électoral pour ne pas paralyser le bon fonctionnement de la Justice et appliquer cette exigence de délai raisonnable à tous ! La justice est suffisamment décriée pour sa lenteur !Quand en filigrane c'est l'indépendance des magistrats qui est en jeu, on ne peut que féliciter le courage des juges de première instance.
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