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Publié par Parolesdejuges

Par Michel Huyette



Dans quelques semaines va débuter le procès de Monsieur Colonna, mis en cause dans l'assassinat d'un préfet en Corse en 1999. Rarement un procès aura suscité autant de polémiques avant même qu'il débute. Ce qui se passe montre à quel point certaines des dérives d'un procès pénal peuvent atteindre leur paroxysme.

Dans un premier temps, il a été reproché aux plus hautes autorités de l'Etat de marteler que Monsieur Colonna est non pas une personne mise en cause dans l'attentat contre le préfet, présumée innocente jusqu'à l'issue du dernier recours judiciaire, mais qu'il est bien l'assassin. Il est vrai que dès son arrestation, il a été annoncé que c'est le coupable qui a été interpellé.


Le président de la République, à l'époque ministre de l'intérieur, a même été poursuivi en justice par les avocats de Monsieur Colonna pour atteinte à la présomption d'innocence. Il avait dit le 5 janvier 2003 lors d'un meeting : "La police vient d'arrêter Yvon Colonna l'assassin du préfet Erignac". Et toute la salle s'est mise à applaudir frénétiquement (vidéo de l'intervention publique accessible sur le site internet du journal Le Monde).


Le tribunal de Paris a estimé l'action infondée, tout en écrivant dans sa décision que "les propos du ministre de l'intérieur suscitent une impression certaine de culpabilité" (Le Monde du 4 avril 2007).


Par ailleurs, pendant des années et jusqu'à aujourd'hui encore, la presse a relayé cette affirmation, en utilisant constamment les termes de "assassin du préfet", ou de "assassin présumé", expressions qui, dans l'esprit du lecteur, incitent à penser que la culpabilité est certaine.


On peut comprendre la colère de celui qui veut plaider son innocence et qui entend avant que débute son procès qu'il est considéré comme inéluctablement coupable par des responsables gouvernementaux et présenté comme tel par les medias. Même si les magistrats qui en ont entendu bien d'autres sont beaucoup moins sensibles qu'on ne le croit aux humeurs et aux discours des responsables politiques, il n'en reste pas moins que ce justiciable peut s'interroger sur le caractère équitable du procès qui s'annonce.


Une dénonciation des procédés employés peut donc sembler compréhensible. Ce qui l'est moins, c'est la stratégie utilisée en retour et qui ressemble étrangement aux méthodes présentées comme inacceptables.

Les medias rapportent en effet que les avocats de Monsieur Colonna ont rédigé et diffusé un "livret de 35 pages" intitulé "Yvan Colonna, chronique d'une erreur judiciaire commanditée". (Le journal du dimanche 20 octobre 2007). Après le forcément coupable, voici donc le forcément innocent. Et la publication de ce document s'accompagne de nombreuses interventions médiatisées qui ont pour objet d'introduire autant que possible dans l'idée des citoyens que si Monsieur Colonna est déclaré coupable, il s'agira évidemment d'un verdict dicté par le pouvoir politique, prononcé par des magistrats qui n'ont pas su prendre leur distance avec un Etat qui les tient, bref que la déclaration de culpabilité va à l'encontre d'une innocence indiscutable.


Alors, entre deux stratégies aussi manipulatrices l'une que l'autre, que peuvent faire les magistrats qui vont juger cette affaire ? Conduire un procès exemplaire, sans concessions envers quiconque, et, une fois le verdict annoncé, rester indifférent aux critiques d'où qu'elles viennent.

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T
D'accord avec vous sur vos 1 et 3:1) sur les limites de l'influence légitimes: dans la salle d'audience en cours de procès, les limites sont fixées par les règles du procès. Hors de la salle d'audience, les limites sont sans doute moins claires, car elles sont fixées par des lois générales, plus nombreuses: la loi sur la presse, la loi sur la présomption d'innocence, certains textes du code pénal sur le respect dû à certaines institutions, la CEDH, etc.3) Sur l'indifférence du Juge: je ne voulais pas mal interpréter vos propos. Merci donc pour vos précisions.En revanche, sur le 2) je doute d'une intention de nuire: les "pro" Colonna, pour les appeler rapidement ainsi, sont naturellement persuadés de l'innocence de l'accusé et ils ne se privent pas de la faire savoir. C'est leur droit.Si leurs arguments sont sérieux, ils sont admissibles devant la cour, qui les appréciera. Je ne doute pas que la défense fera valoir du mieux qu'elle peut tous les arguments favorables à l'accusé.S'ils ne le sont pas, le débat public le fera apparaître. En cela, je fais confiance à l'institution qu'est la justice: je m'en remets à elle pour trancher l'affaire, publiquement. Pour le meilleur et pour le pire, du moment que c'est public.Si vous, Juge, vous me dites que j'ai tort et que je suis bien naïf, alors je commence à avoir des doutes: suis-je un imbécile de faire confiance à la justice, puisqu'un magistrat me dit qu'une simple campagne de presse suffirait à discréditer par avance une décision qu'elle n'a même pas encore rendue?Je crois au contraire qu'elle en a vu d'autre!Dans le fond, la vie est bien faite: jeter par avance le discrédit sur une décision à intervenir n'est pas forcément la bonne stratégie. En cas de condamnation on peut certes hurler au scandale, mais en cas d'acquittement, on a l'air de quoi?D'une arroseur arrosé.C'est donc un pari, plutôt riqué d'ailleurs, car les "pro" Colonna pourraient s'entendre dire que s'ils font le pari de la condamnation, c'est qu'ils l'anticipent. Et s'ils l'anticipent, c'est qu'ils ne sont pas eux- mêmes convaincus de l'innocence de l'accusé. Pour eux, le débat serait alors plus politique que judiciaire. L'innoncence ou la culpabilité ne serait donc qu'un détail: seule compterait la lutte. A la limite, même, l'assassinat du préfet serait justifié.Voilà les sombres pensées qu'on pourrait leur prêter s'ils dépassaient certaines limites dans la défense de l'accusé. Très franchement, je doute que cela lui soit favorable. Aux "pro" Colonna de prendre leurs responsabilités...Il me semble donc que les termes du débat sont naturellement équilibrés: si certaines limites sont dépassées, cela risque de nuire à la cause que les uns ou les autres prétendre servir.La démocratie a des vertus quand même.
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T
Si l'on part du principe paradoxale qu'un Juge est un homme (ou une femme) sous influence en ce qu'il subit successivement l'influence de l'accusation puis celle de la défense, ce qui n'a rien d'illégitime, tout au contraire, du moment qu'il puisse se retirer dans la salle des délibérés pour peser en conscience le pour et le contre,Etant précisé que cette influence peut s'exercer hors la salle d'audience, soit en faveur de l'accusation (déclarations du ministre de l'intérieur) soit en faveur de la défense (campagne de presse),Alors,On peut distinguer ce qui relève de la pression prohibée (soumettre le Juge une contrainte personnelle dans le but d'obtenir de lui une décision orientée) de ce qui relève de l'influence légitime (la vie démocratique et le jeu de l'audience).Le cas que vous décrivez prête à confusion car l'influence légitime que veulent exercer les auteurs de cette campagne repose sur l'allégation d'une pression prohibée sur la cour (par le pouvoir en place, bien sûr).En critiquant cette méthode sans distinguer ce qui relève de l'influence légitime de ce qui relève de la pression prohibée et sans pointer que justement la compagne de presse repose sur l'amalgame des deux, ne participez vous pas à la diffusion de la rumeur que vous prétendez combattre?Il me semble qu'en partant du principe qu' un Juge est justement un homme "sous influence" et que le jeu de cette influence est judiciairement organisé dans le cadre d'un procès, on parvient à la solution que c'est justement cela la sagesse et pas, au contraire, le fait de rester "indifférent".L'indifférence aux critiques, n'est ce pas la marque de l'erreur et de l'illusion (celui qui commet une erreur vit dans l'illusion du vrai, car il ignore sa propre erreur)?
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P
Votre commentaire est très intéressant, alors merci de nous faire partager vos réflexions.En quelques mots, je serais tenté de répondre :1. Que l'influence "légitime", si elle doit être entendue très largement, ce n'est pas forcément l'influence "par tous moyens". Oui, ce que veulent les parties au procès, c'est convaincre le juge de la pertinence de leur thèse. Mais, sous prétexte d'un débat démocratique, existe-t-il une limite aux méthodes employables et si oui, quelle est cette limite ?2. Dans l'affaire citée, en affirmant avant le procès que la décision de culpabilité, si elle est retenue, sera une "erreur judiciaire", la défense ne participe pas au "débat légitime du procès", qui consiste à présenter tous ses arguments et à réfuter avec vigeur ceux, contraires, des autres parties et notamment de l'accusation. Non, il semble s'agir ici de préparer le terrain pour pouvoir dire, à la fin du procès, en cas de décision de culpabilité, qu'elle est manifestement viciée.  C'est le discrédit par avance qui ne peut pas être "légitime".3. Enfin,quand je mentionne l'indifférence du juge, mon propos ne doit pas être mal interprété. L'institution judiciaire commet des maladresses et des erreurs qui doivent être dénoncées, et le juge doit être très attentif à tout ce qui ce dit sur son travail pour, chaque fois que cela est possible, améliorer le niveau de qualité de sa prestation. Mais il doit rester indifférent à l'insinuation sans fondement, à la déstabilisation qui n'a rien à voir avec le "débat légitime", aux stratégies qui visent à dévier le débat sur le juge pour éviter d'avoir à parler du comportement du délinquant etc.. Bref, le juge doit être très attentif à tout ce qui est critique intelligente et constructive, mais indifférent à tous ce qui est mauvaise foi et prise à partie hypocrite et malsaine.MH
B
en espérant que, bien sûr, il leur sera loisible de rester indifférent
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