Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Guide de la protection judiciaire de l'enfant

Le "Guide de la protection judiciaire de l'enfant" est en téléchargement libre.

Pour l'obtenir cliquez ici.

Paroles de juges sur Facebook

Sur Facebook, les articles, et d'autres choses en plus.

C'est ici.

Publié par Parolesdejuges

Par Sylvain Bottineau


Un Tribunal Correctionnel de la région parisienne a récemment eu à juger de l’affaire suivante.


Un individu entre dans un magasin et pointe une arme à feu en direction du visage de la caissière aux fins de se faire remettre la caisse. Il quitte le magasin, l’argent en poche, en courant et monte sur un scooter conduit par un complice.


Les deux clients présents dans le magasin et la caissière, trop choqués, ne sont pas capables de donner une description précise du voleur et de son complice. Ils peuvent seulement dire qu’il s’agirait de deux Africains, vêtus de blanc.


Ces faits sont qualifiés de crime par la Loi. Ils relèvent de la compétence de la Cour d’Assises et nécessitent qu’un Juge d’Instruction soit désigné pour faire une enquête la plus complète possible. La saisine de ce magistrat peut intervenir après une enquête de police, sous la direction du Procureur de la République.


Les témoins sont très brièvement entendus par la police. Il est procédé à une très courte enquête de voisinage (qui contient sur une feuille de procès verbal). Les policiers ne font aucune investigation particulière pour tenter de retrouver les criminels.


Cependant, les policiers expliquent que les deux individus auraient été vus, peu de temps après les faits, aux abords d’une grande surface. Cette affirmation se fonde seulement sur les photos tirées d’une vidéosurveillance sur laquelle…on ne peut rien distinguer clairement en raison d’une mauvaise qualité de l’image.


Les policiers n’indiquent pas l’élément de preuve sur lequel ils s’appuient pour affirmer que les deux individus qui auraient été vu près de la grande surface sont bien ceux qui ont commis le hold-up.

Puis quelques jours après les faits, une personne travaillant dans cette grande surface, vient dire à la police qu’elle a vu le scooter et ses deux occupants et qu’elle connaît le conducteur de l’engin. Elle explique qu’elle n’est pas venue voir les policiers avant par peur de représailles. Lesquelles ? On ne le saura jamais puisque la question ne lui a pas été posée.


Or, le hasard fait parfois bien les choses, la personne accusée par l’employé se trouvait au commissariat, pour être entendue dans le cadre d’une autre affaire. Elle est présentée à notre témoin, derrière une glace sans tain, qui la reconnaît formellement.


Et voici donc notre suspect renvoyé devant le Tribunal Correctionnel pour complicité de vol. Le Procureur de la République a décidé de correctionnaliser l’affaire – il en a parfaitement le droit- et « d’oublier » la circonstance aggravante de l’arme.


Les faits reprochés s’analysent donc non plus en un crime mais en un délit, qui relève de la compétence du Tribunal Correctionnel.


Quels sont les éléments à charge ? Les seules déclarations de l’employé de la grande surface. Et encore, ces déclarations ne concernent que la présente du suspect au centre commercial, absolument pas sur les lieux du braquage.


Notre suspect, qui se dit tout à fait innocent des faits qui lui sont reprochés, n’a pas été confronté à son accusateur. Ce dernier n’a pas non plus été convoqué devant le Tribunal pour répéter ce qu’il a dit aux policiers. Cette procédure viole donc la jurisprudence de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui exige qu’on puisse être confronté aux personnes qui vous accusent.


Notre suspect explique au Tribunal qu’un long contentieux d’ordre personnel l’oppose à cet employé.


Il faut noter que le suspect n’a pas été présenté à la commerçante et aux personnes se trouvant dans sa boutique aux fins d’une éventuelle identification. Une perquisition a cependant été effectuée à son domicile. Les policiers n’ont rien trouvé, sauf deux vêtements, présentés à l’employé, qui affirme qu’ils étaient portés par le suspect le jour où il se trouvait dans la grande surface. Aucun acte d’enquête n’a été effectué pour reconstituer l’emploi du temps du suspect au moment du braquage.


A l’audience le substitut du Procureur de la République a estimé qu’il fallait croire la parole du vigile. Il a demandé au Tribunal une lourde peine de prison.


Le Tribunal a relaxé le suspect en raison de l’absence complète de preuve.


A ce jour, aucun juge d’instruction n’a été saisi pour enquêter sur ce vol à main armé.


Que tirer de cette étrange affaire ?

- que les exigences de chiffres exigées par le Ministère de l’Intérieur et de la Justice aux différents acteurs des Services Publics de la Police et de la Justice les conduits à négliger ce qui demeure le fondamental de leur mission. Mais il est vrai qu’une enquête longue, difficile, fastidieuse même pour tenter d’éclaircir un vol à main armée est moins « rentable » que de poursuivre des « petits » délits plus simples et plus apparents.


- Que lorsqu’on a un casier judiciaire – c’était le cas de notre suspect-, qu’on ne travaille pas et qu’on mis en cause par un témoin, on peut se retrouver vite, mais alors très vite, devant le Tribunal Correctionnel !!

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Ce type de cas est amené à moins se reproduire, car le législateur envisage d'utiliser les images de vidéosurveillance comme preuve. Voir: http://m2bde.u-paris10.fr/blogs/dpj/index.php/post/2008/02/13/Admissibilite-de-la-preuve-par-videosurveillance-au-Royaume-Uni-et-en-France-par-Mathilde-SERREPour éviter le problèmes d'identification et de mauvaise qualité des images enregistrées, l'état à mis en place des normes minimales (pour l'instant simples préconisations), préalables à la future admissibilité des images vidéo, par le biais de l'arrêté du 3 août 2007. Voir: http://www.vigineo.fr/legislation-videosurveillance.php
Répondre
M
Ou l'on voit que les Juges ne sont pas forcément les "bêtes féroces assoifées de sang" que l'on présente trop souvent...
Répondre