Cherchez l'erreur...
Par Michel Huyette
Avez-vous remarqué ? Sans doute pas, puisque cette fois-ci il ne s'est rien passé. Mais le fait qu'il ne se soit rien passé est à lui seul ahurissant, et aurait dû mobiliser tout ce que le pays compte de journalistes et de commentateurs de comptoir. Car quand même…
Il y a quelques jours, un homme, qui avait déjà tué un autre homme dans une prison, qui avait pendant un temps été retenu dans un service psychiatrique de haute sécurité puis orienté plus récemment vers un hôpital psychiatrique ordinaire, a bénéficié de la main d'un psychiatre d'une permission de sortie au cours de laquelle, probablement un peu fâché envers sa maman, il lui a montré sa désapprobation en la tuant et en lui coupant une jambe. Ensuite il a ouvert le feu sur les policiers venus l'arrêter. Son avocat a indiqué que son client avait un passé psychiatrique très lourd, ce qui est sans doute un euphémisme.
Ce qui est remarquable dans cette affaire ce n'est pas que cet homme mentalement très instable ait commis un nouveau crime. Non, c'est ce qui ne s'est pas passé ensuite.
Imaginons un instant le même scénario, mais à un détail près. Cela ressemblerait à ceci :
- acte 1 : Un détenu considéré comme dangereux et qui a déjà tué un co-détenu bénéficie d'une permission de sortie octroyée par un juge, après avis positif d'un psychiatre.
- acte 3 : Allez, devinez-vous-même ce qui se passe.. eh oui, comme les autres fois. Toute la presse s'empare de l'affaire, la France entière dénonce l'irresponsabilité des juges, les élus, le gouvernement, les plus hautes autorités de l'Etat dénoncent l'incompétence de magistrats qui font n'importe quoi, dont la formation est insuffisante, qui ne pensent qu'aux détenus et non aux victimes, annoncent la création d'une commission d'enquête, et surtout, affirment haut et fort que ce juge qui a autorisé la sortie va…. devoir payer.
Mais alors, pourquoi ne se passe-t-il rien quand ce n'est pas un juge qui libère un fou dangereux mais un psychiatre ? Car vous non plus vous n'avez rien entendu. Comme nous. De remarque sur le psychiatre qui a autorisé la sortie de ce meurtrier ? Aucune, nous ne connaissons même pas son nom. Ce psychiatre a-t-il été traqué par micros et cameras puis interviewé ? Non, par aucun journaliste. A-t-il été aussitôt convoqué au ministère de la santé, a-t-il été annoncé des poursuites disciplinaires contre lui, va-t-il comparaître devant une quelconque commission ? Non, rien de cela. C'est le silence absolu.
Pourtant le résultat est le même. Qu'un juge ou un psychiatre autorise la sortie d'un malade mental et s'est exactement le même processus qui se met en place. En plus, il n'est pas absurde de soutenir que quand un juge autorise la sortie d'un détenu sur avis favorable du psychiatre il ne fait/peut que suivre cet avis faute d'être lui-même un spécialiste de la psychiatrie, donc que la responsabilité principale est celle du psy quand il conseille au juge de laisser le détenu sortir provisoirement ou définitivement.
Alors voici la question du jour : pourquoi les comportements des magistrats, même non fautifs, sont-ils si souvent vilipendés par les élus et les medias, alors que des comportements bien plus lourds de conséquences d'autres professionnels, ici un psychiatre, n'entraînent aucune réaction particulière alors même qu'un drame épouvantable en a été la conséquence ?