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Publié par Michel Huyette

Par Stéphane Lambert

  Où comment partir d'un sophisme pour aboutir à une création juridique extra-ordinaire. En pleine campagne présidentielle, l'actuel locataire de l'Elysée indiquait qu'il était anormal que les juges ne s'occupent que des délinquants, et que personne ne s'occupe des victimes. Il est évident que si l'on s'en tient à ce raisonnement, on ne peut être que d'accord. Mais malheureusement, ces affirmations souffrent de quelques approximations, et même de quelques manquements.


Partons, en toute bonne logique, du début. Historiquement, et pour mettre fin à la loi du Talion et à la Vendetta, la victime a été écartée du procès pénal. La société s'est substituée à elle pour sanctionner les comportements déviants. C'est ainsi le Procureur de la République qui est aujourd'hui chargé « de procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale » (article 41 du Code de Procédure Pénale). La victime n'a dés lors aujourd'hui qu'une place secondaire, grâce à laquelle elle peut cependant demander indemnisation de son préjudice, et même mettre en mouvement l'action publique, c'est à dire les poursuites. A noter que les pays anglo-saxons ne laissent même pas cette place aux victimes. Replacer la victime au centre du procès pénal serait revenir en grande partie à la vengeance privée que notre société a mis plusieurs siècles à dompter.


Ensuite, dire que personne ne s'occupe des victimes est à tout le moins inexact. C'est faire fi du travail des avocats, qui les conseillent et les assistent, des associations d'aide aux victimes, qui se sont fédérées au niveau national, ou encore des différentes procédures qui leur sont ouvertes, comme les instances civiles, la commission d'indemnisation des victimes, la possibilité d'intervenir dans le procès pénal en se constituant partie civile.


Tout ceci a visiblement semblé insuffisant. Voilà donc que l'on nous promet, dans l'urgence, la mise en place d'un « juge des victimes », le JUDEVI, ou juge délégué aux victimes. Un projet de décret créant un titre XIV dans la partie décrétale du Code de Procédure Pénale, avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2007 est dans les tuyaux de la Chancellerie. Je passe sur le côté discutable de la création d'un nouveau magistrat par décret, ainsi que sur les visas du projet de décret, et notamment le visa d'un article du Code de l'Organisation Judiciaire (R311-23) qui n'a plus lieu d'être depuis une réforme du 8 juin 2006, le législatif et l'exécutif réformant tellement qu'ils utilisent encore des textes abrogés ou sans objet...

La première nouveauté est que ce juge, qui s'occupera des victimes, n'en est pas vraiment un, puisqu'il aura principalement des attributions administratives et non pas juridictionnelles. Il présidera bien la commission d'indemnisation des victimes, ainsi que les audiences sur intérêt civil, mais ce magistrat existe déjà, et l'affubler du doux patronyme de JUDEVI ne fera que lui compliquer la tache : en effet, la notion d'impartialité, si chère à notre fonctionnement judiciaire, paraît quelque peu compromise. Imaginez une seconde M. DUPONT et M. DURAND en conflit, face à une juridiction dont le président porterait le pompeux titre de Juge Intervenant dans l'Intérêt des Personnes Portant le Nom de DURAND. Le justiciable DUPONT risque fort de se sentir mal parti...


Ensuite, on constate à la lecture du projet de décret que ce magistrat aura pour rôle essentiel de vérifier que les droits des victimes sont respectés, notamment en transmettant au Juge de l'Application des Peines ou encore au Procureur de la République les demandes formulées par les victimes. C'est la création d'un Juge Facteur à laquelle nous assistons, car le JUDEVI n'aura aucun pouvoir d'injonction envers ses collègues.


Enfin, au titre de ses « attributions administratives », le JUDEVI verifiera que les victimes ont bien été informées de leurs droits. Il se penchera donc sur le travail que la loi a déjà dévolu au Greffier d'instruction, au Greffier correctionnel, au Bureau de l'exécution ou encore au Greffier du Juge de l'Application des Peines.


Partant de l'idée que le JUDEVI devait « guider la victime face aux méandres de la justice », on a donc mis en place une instance supplémentaire dans notre organisation judiciaire pourtant fort complexe, niant par la même le travail des avocats et des associations d'aide aux victimes, et tout cela bien entendu à moyens constants, rajoutant un peu plus au travail des juridictions dont on sait fort bien que les délais de traitements des procédures sont extrêmement réduits.


Il est vrai que l'autre solution aurait été d'augmenter les règles et le budget de l'aide juridictionnelle pour permettre un accès facilité aux conseils des avocats et aux services des huissiers, mais en ces temps de faillite de l'Etat et de rigueur budgétaire, un OJNI revient bien moins cher...


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B
rire jaune
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