Réinsertion ou exclusion, quand justice et presse s’opposent
Dans Le Figaro de ce jour, est publié un article intitulé « Une liberté sous haute surveillance pour le pédophile dangereux ». Dans le corps de l’article, on apprend qu’un homme dont les nom et prénom sont donnés (seules les initiales auraient pu apparaître), sort aujourd’hui d’une prison (la ville est précisée) où il a purgé une peine de 14 années pour viol. Il est même qualifié de « pédophile présentant un risque de récidive ». Les habitants de cette agglomération vont être enchantés. En effet, rien que le titre invite chacun d’entre eux à regarder autour de lui pour s’assurer que ce dangereux (le mot est écrit) monstre (c’est la pédophilie) ne se trouve pas dans son périmètre de vie. Et le fait qu’il existe un « risque de récidive », sans d’ailleurs que le journaliste n’ait cru utile d’expliquer ce qui autorise une telle affirmation, va inciter tous les parents à craindre pour leurs enfants.
Ce qui surprend quand même un peu, c’est qu’il est écrit un peu plus loin que l’homme portera un bracelet électronique en permanence et fera l’objet d’un contrôle à chaque seconde de ses jours et ses nuits, que tout écart sera immédiatement repéré par les agents du ministère de la justice du fait de la technologie utilisée, qu’il ne pourra sortir de chez lui que quelques heures par jour, et que de nombreux lieux (écoles, piscines etc..) lui seront interdits. Le risque est donc particulièrement réduit.
C’est aussi qu’il est indiqué que cet homme, en plus du contrôle de ses déplacements, va être accompagné (et surveillé) pour ce qui concerne son suivi médical (ce qui suppose qu’il ait accepté un contrôle et une aide de médecins et de psychologues), et que le but est qu’il trouve un emploi. L’objectif est donc d’encourager sa réinsertion.
Mais on imagine bien la scène.
- bonjour Monsieur, je suis à la recherche d’un emploi et je suis vraiment décidé à faire tout le nécessaire pour votre entreprise si vous voulez bien m’embaucher à l’essai.
- pourquoi pas, mais comment vous appelez-vous ?
- je m’appelle X..
- attendez, laissez-moi réfléchir une seconde… ah oui, je me rappelle, le journal, vous êtes le dangereux pédophile qui présente un risque de récidive. [à ce moment l’homme se tourne vers sa femme et lui dit « chérie fait rentrer les enfants dans la maison »] eh bien laissez-moi vos coordonnées, on vous rappellera.. peut-être…
Malheureusement, il n’y a pas grand-chose de comique dans cette situation.
Il est légitime de s’interroger sur les moyens dont dispose une société pour essayer, autant que possible, de mesurer la dangerosité d’un individu qui a déjà agressé un ou plusieurs enfants. Et il est tout aussi légitime de se demander que faire lorsque plusieurs psychiatres décrivent un individu qui a purgé sa peine comme toujours extrêmement dangereux. La protection du groupe doit nécessairement primer sur les parcours individuels chaotiques.
Mais que recherche-t-on en savonnant la planche de ceux qui sont prêts à faire tout le nécessaire pour se sortir du piège dans lequel ils sont tombés, qui semblent vouloir réellement se réinsérer, notamment par l’emploi et qui, a un moment donné, paraissent se trouver dans une situation qui incite à leur donner une chance tout en les contrôlant de près ?
En tous cas, le travail de la justice avec cet homme ne va pas être facilité par la parution de cet article. Mais on a bien compris que ce n’est pas le souhait premier de son auteur.