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Publié par Parolesdejuges

 

De nombreux articles ont été publiés sur ce blog depuis l'expérimentation jusque la généralisation des cours criminelles départementales (les CCD) (cf. not. ici et les nombreux renvois). Les CCD, composées uniquement de 5 magistrats professionnels, jugent très majoritairement des viols. Qui auparavant étaient jugés par la cour d'assises comprenant des jurés.

Dès le départ, le ministère de la justice a été contraint de trouver des arguments forts susceptibles de justifier auprès des français, secondairement auprès des juristes, la mise à l'écart des jurés dans la moitié des dossiers criminels. Ce qui n'était pas une mince affaire.

L'un des principaux arguments avancés était la volonté de mettre fin à la "correctionnalisation des viols" (sur le sujet lire not. ici et ici). Pour faire simple, la correctionnalisation consiste a écarter l'acte criminel, à faire comme si le viol n'avait pas existé, et à renvoyer la personne soupçonnée non pas devant la juridiction criminelle mais devant la juridiction correctionnelle, ceci en ne retenant que des attouchements à caractère sexuels qui sont des délits et non des crimes. Et sont bien mois sévèrement punis.

C'était le contrat passé avec les citoyens, et surtout les femmes. Le message était clair : Dorénavant, plus aucun viol ne sera dissimulé et impuni, et tous les viols seront jugés par la CCD car il est très important de montrer à quel point il s'agit d'infractions graves.

La principe était parfait.

Mais il y a le discours d'un côté, et la réalité de l'autre.

Sur le terrain, du fait de la fin immédiate annoncée de la correctionnalisation, les juridictions criminelles se sont attendues à une rapide et visible augmentation du nombre de dossiers de viol reçus, ce qui n'a pas été le cas.

Par ailleurs, les magistrats siégeant dans les juridictions correctionnelles ont continué à voir arriver des dossiers "correctionnalisés".

En plus, et sauf erreur, le ministère de la justice n'a jamais envoyé aux procureurs généraux et aux procureurs de circulaire leur enjoignant de s'opposer tout le temps et fermement à toute tentative de correctionnalisation.

De fait, un média vient de rapporter une illustration de ceci.

Mais un rappel juridique s'impose d'abord.

Ce qui distingue essentiellement l'attouchement sexuel et le viol (1), c'est la pénétration qui caractérise le second et qui entraîne la qualification criminelle de l'acte imposé à une personne non consentante (sur la définition du viol et sa nécessaire modification lire ici).

Toutefois, une loi du 21 avril 2021 (texte intégral ici, cf. art. 9) a inséré dans l'article 222-23 du code pénal qui définit le viol (texte ici) la mention suivante : "ou tout acte bucco-génital". En clair, le cunnilingus imposé à une femme est dorénavant un viol. (2)

Le Journal Ouest-France, dans un article du 4 septembre 2024 (page ici) rapporte qu'un homme a été renvoyé devant un tribunal correctionnel en comparution immédiate pour des agressions sexuelles sur deux jeunes filles mineures, et qu'à l'une d'elles il a imposé un cunnilingus. Juridiquement, les faits commis étant postérieurs à avril 2021, cet homme a commis le crime de viol en pratiquant cet acte.

Le tribunal correctionnel a, conformément au droit, constaté qu'il est saisi d'un fait qualifié viol par la loi, et par voie de conséquence qu'il n'est pas compétent pour le juger puisqu'il ne s'agit pas d'un délit.

Deux éléments sont à relever à la lecture de cet article.

Le premier est qu'il démontre que, contrairement à ce qui était promis par le ministère de la justice, la correctionnalisation des viols n'a pas pris fin.

Le second, plus important, est dans les propos du procureur à l'audience. Selon le journal il a déclaré publiquement qu'il a estimé "opportun de correctionnaliser un viol", en mettant en avant l'intérêt de juger l'auteur plus rapidement. Puisqu'il a dit cela, ce procureur n'a manifestement pas craint d'aller à contresens d'instructions strictes de sa hiérarchie imposant de ne plus jamais correctionnaliser les viols. Par ricochet, cela confirme qu'il n'existe pas de consigne émanant du ministère de la justice et adressée à tous les membres des parquets leur enjoignant de ne jamais plus agir ainsi.

L'argument initial mis en avant pour justifier la CCD, à savoir la fin de la dissimulation de certains viols par le biais de la correctionnalisation, n'a donc pas été suivi d'une réalité judiciaire en ce sens.

Et cela résulte inéluctablement du choix du ministre de la justice, qui dirige l'action publique sur tout le territoire, de ne pas mettre ses actes en conformité avec ses paroles.

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1. Les deux faisant partie de la grande catégorie juridique des "agressions sexuelles".

2. Chacun peut avoir son point de vue sur l'opportunité de la criminalisation d'un tel acte sexuel. Mais les juges qui ont le devoir d'appliquer les lois ne peuvent pas, sauf à violer leurs obligations légales et déontologiques, et sauf à bafouer les droits des femmes, décider de correctionnaliser les cunnilingus imposés et d'en faire de simples attouchements. Quand bien même certains des juges, si tel est le cas, désapprouvent cette réforme légale.

 

 

 

 

 

 

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