Le droit contre les démons de la politique (Bibliographie)
Actuellement, les citoyens européens et notamment français pensent souvent que le cadre juridique applicable, interne et européen d'abord, l'indépendance des juridictions ensuite, sont des barrières protectrices infranchissables et efficacement garantes des droits fondamentaux.
Mais comme cela n'a pas toujours été le cas, il est indispensable de se demander ce qu'il en est de nos jours.
C'est en lien avec cette problématique que les éditions Odile Jacob (leur site) ont publié le livre de François Saint-Pierre intitulé :
"Le droit contre les démons de la politique"
Sur le site de l'éditeur le livre est présenté de la façon suivante (page ici) :
" C’est en lisant le Journal de Maurice Garçon, cet illustre avocat qui l’avait rédigé sous le régime de Vichy, que je me suis posé cette question : si à l’avenir un gouvernement même issu d’élections régulières décidait de mettre en œuvre une politique indigne, contraire aux droits fondamentaux des gens, la justice saurait-elle s’y opposer et défendre l’essentiel, l’État de droit ?
C’est le pari de ce livre. L’Europe d’après guerre s’est reconstruite sur un système judiciaire international destiné à garantir les libertés publiques et individuelles, que les États doivent respecter en toutes circonstances, et qui permet à toute personne victime d’un abus du pouvoir de porter plainte devant la justice de son pays, puis devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Son essor a été remarquable, dans les années récentes. Les trois grandes juridictions françaises, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État, ont chacune développé dans cet esprit des jurisprudences protectrices des libertés, parfois contre le pouvoir politique. Ce livre en fait l’éloge, en expliquant certaines de leurs décisions les plus significatives.
Mais ce système judiciaire ne fonctionne pas tout seul. C’est aux avocats, aux procureurs et aux juges qu’il appartient de servir cette idée de la justice. Ils disposent pour cela d’outils juridiques très efficaces, dont ils font bon usage. Au point que certains responsables politiques voient d’un mauvais œil l’émergence de ce nouveau « pouvoir judiciaire », qu’ils songent à museler !"
Le livre comporte outre un prologue quatre chapitres : Le politique et le juridique, La loi et la jurisprudence, Structures et procédures judiciaires, D'une époque à l'autre.
Dès le prologue l'auteur pose le cadre du débat : Dans un monde en constantes mutations et dans lequel les pouvoirs politiques sont régulièrement attirés par l'autoritarisme et risquent de s'éloigner de l'Etat de droit, dans quelle mesure la loi de même que les juridictions nationales et supranationales peuvent-elles garantir la protection des droits les plus fondamentaux des citoyens ?
La problématique doit d'autant plus être analysée qu'à diverses époques les institutions judiciaires ne sont pas opposées à la mise en oeuvre de textes d'exception violant gravement certains de ces droits.
Le débat est toujours d'actualité même si le contexte politique et international est différent. Les mauvaises tentations sont toujours présentes. De fait, on entend régulièrement des responsables politiques critiquer la place trop importante donnée aux déclarations des droits de l'homme, et/ou prétendre que les juridictions ne devraient pas avoir la possibilité de s'opposer aux choix politiques des élus quel que soit le contenu des lois votées par ceux-ci. Comme le rappelle l'auteur, il est arrivé en France que des candidats à des élections proposent de "quitter la CEDH". Et combien de fois a-t-on entendu des élus critiquer le "gouvernement des juges" ?
Alors, peut-on considérer qu'aujourd'hui, en cas d'arrivée au pouvoir d'élus voulant restreindre exagérément les droits fondamentaux des citoyens, les institutions judiciaires nationales et supranationales seraient capables d'agir différemment ? Autrement dit, un Etat souverain a-t-il ou non le droit de violer les droits humains si ses élus sont démocratiquement élus, ou bien des obstacles juridiques et judiciaires doivent-ils faire efficacement obstacle à tout dérapage ?
C'est de cela qu'il est question tout au long du livre.
François Saint Pierre a le talent de présenter les faits, les débats et les arguments d'une façon à la fois rigoureuse mais aussi particulièrement simple et donc accessible à tous.
Entre autres, ses réflexions sur le rôle du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme, sur l'évolution des décisions de la cour de cassation, sur la part prise par le Conseil d'Etat dans la protection des droits des citoyens, sur l'indépendance des procureurs, les droits de la défense, les exigences vis à vis des processus judiciaires, sont l'occasion de s'interroger et de réfléchir sur toutes ces problématiques.
Cela fait de l'ouvrage un livre particulièrement riche et utile malgré son petit format, et qui intéressera bien au-delà des spécialistes du droit, tant les questions posées concernent chaque citoyen.