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Guide de la protection judiciaire de l'enfant

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Publié par Parolesdejuges

L'article initial a été mis en ligne en novembre 2018.

Il a été mis à jour : après le vote de la loi sur les violences éducatives en juillet 2019 ; après la décision de la cour d'appel de Metz en mai 2024.

 

Le débat autour des châtiments corporels sur les enfants est ancien et récurrent (cf ici ; ici). 

La problématique se résume ainsi : les parents peuvent-ils dans certains cas, et si oui dans quelle mesure, exercer des violences physiques sur leurs enfants sans risquer une sanction judiciaire ?

Dans un premier temps nous survolerons le cadre juridique en vigueur.

Dans un second temps, nous analyserons la loi publiée en 2019 et qui a pour objet d'interdire clairement et définitivement toutes ces violences.

Puis nous regarderons comment le débat a évolué depuis 2019

Le cadre juridique en vigueur

Pour l'ONU : "L’élimination de toutes les formes de châtiment physique est (..) essentielle non seulement pour mettre fin à la violence contre les enfants, mais aussi pour réduire la violence dans l’ensemble de la société à long terme. (..) Pour parvenir à une interdiction claire et inconditionnelle de tous les châtiments corporels, il faudra des réformes juridiques différentes selon les États. (cf. ici)

La Convention internationale sur les droits de l'enfant (texte intégral ici) prévoit que : "Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié."

Le Conseil de l'Europe (son site) a publié un avis à propos des "châtiments corporels envers les enfants".

Dans la page de présentation de l'avis (cf. ici), le Conseil écrit que : "le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe considère que le droit français ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels infligés aux enfants ni par la loi ni par la jurisprudence."  (texte complet ici).

Le Défenseur des droits (son site) s'est aussi emparé de la problématique (lire ici).

Une telle affirmation sur les lacunes du droit français surprend le juriste. En effet notre droit pénal, qui est une longue liste des comportements interdits et sanctionnés, contient depuis longtemps les dispositions suivantes :

- "Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises :1° Sur un mineur de quinze ans (..)." (art. 222.13 - texte ici)

A savoir : Dans la loi française l'expression "mineur de 15 ans" signifie "mineur de moins de 15 ans", donc de 14 ans au maximum.

- "Hors les cas prévus par les articles 222-13 et 222-14, les violences volontaires n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe." (art. R 624-1 - texte ici).

Cet article R 624-1 est inséré dans une section du code pénal intitulée "Des violences légères". Cela signifie donc, par hypothèse, qu'il a vocation à s'appliquer aux violences les plus modérées, les plus faibles, les moins agressives. Sinon le qualificatif de "légères" n'aurait pas de sens.

Notons en passant que l'article 222-14-3 du code pénal précise que : "Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques. " (texte ici)

Ce cadre juridique démontre indiscutablement que le droit pénal interdit, toutes les violences, même légères, sur les enfants. Ce qui inclut les gifles, les fessées, les tirages de cheveux, les bras tordus etc.

C'est pourquoi, pour le juriste, il est malaisé de comprendre l'affirmation du conseil de l'Europe selon lequel "le droit français ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels infligés aux enfants ni par la loi (..)."

En tous cas, il n'existe nulle part, dans le droit pénal français, la moindre exception susceptible de justifier certaines violences. Ou pour le dire autrement, le cadre juridique français actuel ne prévoit aucune excuse légale faisant obstacle à la poursuite et la condamnation des parents qui utilisent la violence physique sur leurs enfants en la présentant comme une réponse éducative.

Les juridictions françaises et les violences éducatives avant la loi de 2019

Par contre, il est exact que certaines juridictions françaises ont parfois reconnu l'existence d'un "droit de correction" au profit d'un parent. Au prix, dans certains cas, d'une motivation qui peut prêter à débat.

Dans un arrêt du 29 octobre 2008 (texte intégral ici) une cour d'appel a écrit dans la même phrase : " les violences reconnues par le prévenu et reprochées à ce dernier sont légères, rares et n'ont pas dépassé l'exercice du simple droit de correction explicité par Jean-Louis X... ..". En conséquence de quoi la juridiction prononce la relaxe pour cette infraction.

Le juriste peut s'étonner qu'une juridiction écrive que le geste d'un parent constitue une violence légère, ce qui est entraîne automatiquement une qualification pénale, puis qu'elle le relaxe ensuite ce qui signifie qu'elle considère qu'aucune infraction n'a été commise. On aurait mieux compris une peine modérée ou, au mieux une dispense de peine. D'autant plus que le juriste cherche en vain dans le code pénal une allusion, même lointaine, à un "droit de correction" justifiant des violences sur des enfants.

Les juges ont voulu, tout en constatant des violences mêmes légères, faire obstacle à la condamnation de leur auteur en créant une nouvelle sorte d'excuse légale. Mais non prévue par la loi.

On en trouve également trace dans un arrêt du 4 mai 1998 d'une autre cour d'appel (texte intégral ici) qui, à propos du comportement d'un instituteur, a jugé que : "Si la réaction de M. Z... n'a pas été la mieux appropriée en l'espèce, elle n'a pas eu de conséquences excessives de nature à compromettre la santé physique ou morale de l'enfant n'a pas excédé les limites du droit de correction d'un instituteur à l'égard d'un enfant qui, une première fois repris, se montre insolent et provocateur à son endroit. L'exercice limité de ce droit de correction pour faire assurer la nécessaire discipline et l'autorité des maîtres, ôte aux faits toute intention coupable. En conséquence, le jugement sera réformé. M. Z... sera renvoyé des fins de la poursuite (..)."

Dans un arrêt de 2017 une cour d'appel (décision ici) a mentionné des violences parentales "allant au-delà du droit de correction admissible".

Quelques arrêts de la cour de cassation comportent la notion de "droit de correction" mais il s'agit de confirmations de culpabilité et d'une simple mention de l'argumentaire de la cour d'appel. (cf. ici, ici, ici, ici)

Plus déroutante est la décision de la cour de cassation du 17 juin 2003 (texte intégral ici) puisqu'il y est écrit, pour valider une décision de non-lieu d'un juge d'instruction confirmée elle-même par une chambre de l'instruction :

"l'enquête et l'information diligentées ont permis d'établir que, le 19 février 1999, Marie Z..., qui assurait la garde du jeune Gabin X... né le 17 mars 1997, au domicile de ses parents, a effectivement administré une claque à celui-ci ; mais il n'est nullement établi que ce geste ait excédé les limites du droit de correction inhérent à la mission de surveillance qui avait été confiée à la gardienne de l'enfant (..) Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé les faits, objet de l'information, a répondu aux articulations essentielles du mémoire des parties civiles appelantes et exposé les motifs dont elle a déduit (..) qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis l'infraction reprochée ."

Cela signifie que la cour de cassation a estimé il y a quelques années que certaines violences légères sont légalement possibles contre des mineurs, la "claque" en étant manifestement une si les mots ont encore du sens.

Dans une décision du 26 novembre 2002 (texte intégral ici), la chambre criminelle a jugé en sens contraire et approuvé une condamnation, mais autour du même argumentaire :

"Attendu qu'Yves X..., instituteur, poursuivi pour violences sur mineurs de quinze ans, a fait valoir qu'il ne faisait qu'user de son droit de correction ; Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu et le déclarer coupable des faits reprochés, l'arrêt relève qu'il reconnaît avoir tiré les cheveux ou donné des coups de pied aux fesses de plusieurs enfants et que de tels faits constituent des violences au sens de l'article 222-13 du Code pénal ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision."

Mais dans une décision du 21 février 1990 (texte intégral ici), la chambre criminelle avait expressément reconnu l'existence d'un "droit de correction", quand bien même elle approuvait la condamnation pour violences. Ceci en ces termes :

"Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X... a, sous prétexte de lui donner "une petite correction" "en raison de toutes les bêtises qu'il faisait", giflé avec force l'enfant Romain Y..., âgé de 6 ans, puis l'a entraîné dans les waters où il lui a plongé la tête dans la cuvette avant de tirer la chasse d'eau ; que pour retenir X... dans les liens de la prévention, les juges relèvent qu'il importe peu que la mère ait consenti à cette correction, dès lors que les violences commises, par leur nature et par leurs conséquences, dépassaient, même en l'absence d'une incapacité de travail, les limites de l'exercice d'un droit de correction, lequel en toute hypothèse n'appartenait pas à X..., et entraient dans le champ d'application de l'article 312 du Code pénal sanctionnant les violences sur mineur de 15 ans."

Ce n'est donc pas tant le droit pénal en vigueur qui pouvait être reproché à la France, qui prohibe l'intégralité des violences y compris les plus légères, que la création, par les tribunaux y compris au plus haut niveau, d'un "droit de correction" permettant aux parents et à certains professionnels de l'éducation de commettre des violences sur les enfants sans risquer aucune sanction.

La problématique des gestes acceptables

Ouvrir la porte aux violences physiques sur les enfants, comme l'ont fait certaines juridictions, c'est aussitôt ouvrir le débat sur les caractéristiques et les limites des violences permises. Ce qui, en l'absence de cadre légal clair et fiable, fait une vaste place à l'arbitraire du juge.

Nombreux sont les adultes, au premier rang desquels des parents, qui affirment que dans certaines circonstances il n'est pas bien grave de s'en prendre physiquement à un enfant. Autrement dit, ce n'est pas la fin du monde et c'est parfois très efficace.

On peut sans doute, dans un premier temps, admettre assez facilement qu'une petite tape sur l'épaule ou sur les fesses ce n'est pas dramatique. Mais dès que l'on creuse un peu cela devient plus délicat.

D'abord, il n'est pas forcément aisé d'expliquer à un enfant qu'il lui est formellement interdit de taper avec la main sur un camarade à l'école, parce que par principe on ne s'en prend pas physiquement aux autres, tout en levant la main sur lui. De la même façon qu'un parent n'est pas crédible s'il exige d'un enfant qu'il ne soit pas grossier tout en l'étant lui-même devant l'enfant.

Ensuite, autoriser quelques "châtiments corporels", c'est dès le départ, poser le principe que certaines violences sur les enfants sont légitimes. 

Surtout, si certaines violences sont autorisées, et donc dépénalisées au nom du "droit de correction", où va se trouver la limite entre les violences acceptables et celles qui ne le sont pas, et qui va la fixer ?

On pourrait donc donner une "petite" fessée, la violence minimaliste classiquement admise. Mais jusqu'à quelle puissance du geste cela reste-t-il une "petite" fessée ? Et si on peut utiliser la main sur les fesses, un parent peut-il aussi utiliser le pied pour taper la fesse ?

Et peut-on tirer l'oreille ? Tordre le bras ? Attraper par les vêtements ? Pousser brusquement ? Bousculer et faire tomber ? Tirer par les cheveux ? Secouer ? Plaquer contre un mur ...?

Et puis à quelle fréquence serait-on autorisé à le faire pour que cela reste tolérable ? Rarement ? De temps en temps ? Chaque fois que nécessaire ? Plusieurs fois par jour en cas d'enfant difficile ?

En plus, la violence considérée comme modérée et acceptable par un adulte sera parfois estimée inacceptable par un autre.

Autoriser certaines violences sur les enfants ouvre donc inéluctablement la porte à des violences excessivement répétées et/ou excessives, mais qui ne seront pas considérées comme telles par certains parents qui mettront en avant leur droit de correction.

Certains considèrent qu'il existe une sagesse naturelle des adultes qui leur permettrait de déceler instinctivement les limites à ne pas dépasser. Mais les magistrats savent que la réalité est bien différente. Les juges des enfants, les juridictions pénales et familiales, voient tout au long de l'année défiler certains de ces adultes, et notamment des parents, qui, à cause de problématiques personnelles, de couple, ou familiales non résolues, exercent des violences inacceptables et traumatisantes sur les enfants. Et qui ne voient pas où est le problème.

Par ailleurs, l'argument de la nécessité d'être parfois violent ne résiste pas à l'examen. Les châtiments corporels sont d'autant moins légitimes qu'il existe toujours d'autres moyens d'intervenir. Et certains parents ne sont jamais violents, même quand leurs enfants sont difficiles à canaliser.

Enfin, autoriser les violences, c'est permettre aux parents de considérer leur enfant comme le responsable de ce qui se passe : "il était insupportable je ne pouvais plus le laisser faire". Et leur permettre de ne pas s'interroger sur ce qui, parfois, dans leur propre comportement, peut générer des réactions difficile à gérer chez leurs enfants.

Sans doute ne faut-il pas exagérément culpabiliser les adultes qui ont ponctuellement craqué et de façon relativement mesurée à cause d'enfants aux comportements inadaptés. Mais l'interdiction par principe de tous les châtiments corporels présente plusieurs avantages :

- Il n'existe qu'un seul message, clair et sans aucune ambiguïté.

- L'idée n'est pas diffusée que certaines violences sont permises sur les enfants.

- La question de la limite entre violences autorisées et violences interdites ne se pose pas.

- Les adultes qui sont dépassés et désarmés face à des enfants difficiles sont incités à réfléchir à l'origine de leur propre comportement, et surtout à chercher d'autres solutions. Ou en tous cas, si une violence a été commise, à expliquer ensuite à leur enfant qu'ils ont eu tort d'agir ainsi.

C'est pourquoi le débat a évolué progressivement vers la mise en place d'une interdiction totale des violences "éducatives".

En plus, nécessité d'inscrire dans la loi française l'interdiction de toute violence éducative a été rappelée par l'UNICEF qui en 2015 a suggéré à la France de : "Affirmer le droit des enfants à une éducation sans violence, y compris au sein de leur famille, par l’inscription d’une mention spécifique dans le code civil. Développer des parcours et outils pédagogiques à destination des parents et futurs parents pour changer durablement les pratiques éducatives." (doc ici, recommandation 24)

La loi de 2019 et l'interdiction de toute forme de violence sur les enfants

Au journal officiel du 11 juillet 2019 a été publiée la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires (texte ici).

L'article 371-1 du code civil (texte ici), inséré dans un chapitre intitulé "De l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant", énonce les principes fondamentaux suivants :

"L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité."

La loi du 10 juillet 2019 y ajoute cette phrase : "L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques".

C'est notamment parce que, comme mentionné plus haut, la législation pénale interdit déjà toute forme de violence sur les enfants que le choix a été fait de placer le principe nouveau dans le code civil.

En tous cas, avec cette nouvelle loi il n'existe plus aucune place pour une quelconque violence ni pour un "droit de correction". Toutes les violences physiques ou psychologiques sur les enfants, sans aucune exception, sont clairement et définitivement interdites.

C'est ce que le gouvernement a confirmé dans un "Rapport au Parlement relatif aux violences éducatives" (doc ici, août 2019) en écrivant : "La principale disposition de la loi du 10 juillet 2019 a pour objet de préciser que les parents ne peuvent recourir à la violence pour éduquer leurs enfants. Elle introduit en effet, après le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil relatif à l’autorité parentale, un alinéa ainsi rédigé : « L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. » Ce texte conforte ainsi l’interdiction de toutes formes de violences qui résulte du droit pénal. "

A noter que la loi ajoute également aux formations que doivent suivre les postulants à la fonction d'assistant maternel une formation "à la prévention des violences éducatives ordinaires".

La jurisprudence après la loi de 2019

Alors que le débat semblait clos après cette modification législative d'une parfaite clarté, il a été relancé en avril 2024 par une étonnante décision de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Metz (non publiée), saisie, notamment de poursuites contre un père ayant exercé des violences sur ses deux enfants, un garçon âgé de 6 à 12 ans et une fille âgée de 5 à 9 ans sur la période des faits.

Le tribunal avait en première instance déclaré le père coupable, notamment, des violences sur ses deux enfants, et lui avait infligé une peine de prison avec sursis.

La cour d'appel a considéré dans un premier temps que le père, qui a revendiqué une éducation "rude et stricte", a bien commis les violences suivantes sur ses enfants : "de grosses gifles laissant des traces rouges sur la joue, des fessées (..), des étranglements, des levé par le col suivis d'un plaquage contre le mur, ainsi que des réflexions blessantes, des propos les rabaissant et des insultes." (p.23 et 24)

Ce qui surprend à la lecture de cette décision, c'est que la cour d'appel a rappelé que : "L'article 371-1 du code civil dispose depuis 2019 que l'autorité parentale s'exerce sans violence physique et psychologique", ce qui en soit semble imposer la condamnation après le constat d'une pluralité de violences, mais qu'elle a aussi écrit que :"Aux termes des textes internationaux et du droit positif français, un droit de correction est reconnu aux parents et autorise actuellement le juge pénal à renoncer à sanctionner les auteurs de violences dès que celles-ci n'ont pas causé un dommage à l'enfant, qu'elles restent proportionnées au manquement commis et qu'elles ne présentent pas de caractère humiliant. Ainsi il est reconnu à tout parent le droit d'user d'une force mesurée et appropriée à l'attitude et l'âge de leur enfant dans le cadre de leur obligation éducative sans pour autant être passibles de condamnations et sanctions pénales".

Autrement dit, la cour d'appel de Metz constate d'abord que la loi française interdit dorénavant toutes les violences physiques sur les enfants, mais elle décide ensuite, sans préciser quels sont les les textes internationaux qui autoriseraient expressément de telles violences, et encore moins les dispositions du droit positif français actuel qui permettraient d'écarter la réforme de 2019 et le code pénal, de ne pas sanctionner les violences décrites plus haut. En faisant à nouveau du droit de correction une excuse légale.

La lecture de cet arrêt laisse perplexe, c'est peu dire. 

La cour de cassation a été saisie, et l'on peut espérer de sa part une analyse plus rigoureuse du cadre juridique en vigueur, et surtout réellement protectrice des enfants.

L'indispensable soutien aux parents

Un dernier point reste à aborder, qui est de fait le plus important.

Aucune loi ne peut changer la réalité de terrain. Comme cela était déjà le  cas avant, après le 11 juillet 2019 de nombreux parents vont encore se trouver ponctuellement en grande difficulté avec leur enfant. La modification d'un article du code civil, dont certains n'auront pas entendu parler, ne sera jamais un obstacle à leur désarroi, leur exaspération, leur colère, leur solitude.

S'il peut sembler opportun de transmettre un message clair et simple concernant l'interdiction de toute violence sur les enfants, il est bien plus important de mettre en place, gratuitement et partout, des lieux d'accueil et d'écoute permettant à ces parents d'appeler à l'aide ou de rencontrer des professionnels, et d'obtenir très vite des conseils efficaces sur les méthodes, non violentes, permettant d'apaiser la relation conflictuelle avec leur enfant.

Cela suppose d'abord de les déculpabiliser en leur disant que tout parent, à un moment ou à un autre, peut sentir en lui une colère susceptible de le conduire à une envie de violence. Puis de leur proposer d'autres solutions éducatives à travers des explications orales ou des simulations de situations.

Dire ce qu'il ne faut pas faire est important. Mais proposer des solutions concrètes, simples, qui ont fait leur preuve, accessibles sur un simple appel ou à l'occasion d'une rencontre organisée sans délai, est autrement plus urgent.

C'est dans ce but que la loi de juillet 2019 a prévu également que : "Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2019, un rapport présentant un état des lieux des violences éducatives en France et évaluant les besoins et moyens nécessaires au renforcement de la politique de sensibilisation, d'accompagnement et de soutien à la parentalité à destination des parents ainsi que de formation des professionnels concernés. " (1)

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1. Sur cette thématique cf. not. : ici ; ici ; ici ; ici (Canada) ;

 

 

 

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B
Les magistrats qui n'appliquent pas le droit dans les cas que vous citez, comme de nombreux parents, ne voient pas l'alternative à la violence éducative ordinaire, notamment car ils assimilent non violence et laxisme.<br /> En fait, il est permis d'employer la force sur un enfant, par exemple lorsqu'il se met en situation de danger ou est violent contre les biens ou les personnes. ll ne s'agit alors pas de le frapper, mais simplement de le contenir.<br /> Ensuite, quand l'enfant est calme et prêt à entendre, en plus de faire preuve de pédagogie et de patience, il y a aussi une alternative non laxiste à la violence, psychologique cette fois, que sont les punitions ou les humiliations. Il s'agit plutôt de faire prendre en charge par l'enfant les conséquences naturelles de ses actes : réparer, remplacer ce qui est cassé, se faire pardonner auprès des personnes touchées,...<br /> Je suppose que le chemin sera toutefois encore long avant que les punitions, en tant que violence psychologique ne soient effectivement considérées comme interdites dans tous les cas, même les punitions "légères", au même titre que la petite fessée.<br /> En effet, n'est-ce pas notre code pénal qui est parsemé de l'expression "est puni de" ?<br /> Alors qu'une mise à l'écart en prison, y compris pour toute une vie, peut se justifier uniquement comme la conséquence naturelle des actes des personnes condamnées, et non comme une punition. Les criminels et délinquants sont mis à l'écart car les autres ne veulent plus faire société avec eux, du moins un certain temps. De même, les contraventions à payer peuvent être vues comme une contribution à la société pour se faire pardonner de la faute commise.<br /> Nos lois n'ont donc pas à employer le terme "punir" : si la justice condamnait à des coups de bâtons ou à la destruction de propriété, il s'agirait là de punitions, mais ce n'est pas ce que notre société fait envers ses membres, même les plus fautifs. Autant alors que le législateur montre l'exemple aux parents, et abandonne l'expression "est puni" dans la Loi, et ceci sans aucun laxisme dans les durées de rétention des condamnés.
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