L'avis du ministre de la justice sur les nominations et l'indépendance des procureurs (mars 2016)
Dans un procès, tout citoyen doit avoir la garantie que les juges se prononceront équitablement, selon des critères qui ont leur fondement dans la loi, et leurs limites, dans leurs propres consciences. Cette exigence de justice indépendante et impartiale est essentielle pour que les justiciables aient confiance dans ce mode de régulation apaisée des conflits par le droit, éloigné de l’esprit de vengeance privée.
Le Président de la République a donc souhaité que, le 5 avril prochain, l’Assemblée nationale soit à nouveau saisie du projet de loi réformant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
L’objectif est à la fois simple, urgent, nécessaire et de bon sens : il s’agit d’inscrire dans notre Loi fondamentale, la garantie d’indépendance qui, seule, assurera l’égalité des justiciables.
Ce texte est encalminé depuis trois ans, en raison des différences entre les versions adoptées par les deux chambres, lors de la première lecture au parlement. Pourtant, un consensus existe sur l’essentiel : consacrer l’impartialité du parquet et renforcer les pouvoirs de discipline et de nomination du CSM. Comme ces deux avancées répondent aux critiques de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, lesquelles nuisent gravement à la crédibilité internationale de notre système judiciaire, il serait proprement inconcevable de les laisser en suspens.
En décidant que la mission du CSM sera de « concourir » à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire et non plus d’« assister le Président de la République », nous donnerons réellement corps à la séparation des pouvoirs. En alignant l’indépendance statutaire des procureurs sur celle des magistrats du siège, c’est-à-dire en prévoyant que les nominations seront soumises à l’avis conforme du CSM, nous protégeons les magistrats de toute influence.
Depuis 2009, les gardes des Sceaux successifs ne s’affranchissent plus des avis du CSM. La pratique est vertueuse, mais il n’en demeure pas moins que les usages, lorsqu’ils ne sont pas légitimés par la loi, résistent parfois mal aux impératifs ou petits accommodements du moment. Nul doute qu’une garantie constitutionnelle sera toujours préférable à une bonne pratique, dont la pérennisation dépend seulement de la volonté d’un gouvernement à s’y conformer.
La cohérence exige que la Constitution garantisse l’impartialité des membres du parquet comme elle garantit celle des magistrats du siège.
En effet, les magistrats du siège et ceux du parquet sont recrutés de manière identique, suivent une formation similaire et connaissent un même déroulement de carrière. Pourtant, à ce jour, seuls les magistrats du siège sont nommés sur avis conforme du CSM qui a seul compétence pour se prononcer en matière de discipline les concernant.
Avec la réforme proposée, ce régime sera aussi celui du parquet.
Elle permettra de renforcer l’unité judiciaire.
Le temps est donc venu de conduire à son terme cette réforme de toute manière inéluctable, car conforme au sens de l’histoire, et de parachever un processus, dont la finalité est de garantir l’indépendance de la justice.
Les parties prenantes l’attendent ; la société en a besoin.
Ce compromis n’est ni décevant par rapport à son ambition initiale, ni superflu dans sa portée. Cette réforme est tout à la fois de bon sens, nécessaire et urgente. Elle porte une ambition pour notre justice. Ce n’est qu’une question de bonne volonté !