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Publié par Parolesdejuges

 

Nous avons déjà indiqué ici que, depuis une loi de 2014, l'enregistrement sonore des procès qui se déroulent à la cour d'assises est devenu obligatoire. (lire ici).

La règle est posée à l'article 308 du code de procédure pénale  (texte ici) :

"Dès l'ouverture de l'audience, l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion sonore, de caméra de télévision ou de cinéma, d'appareils photographiques est interdit sous peine de 18 000 euros d'amende (..).

Toutefois, les débats de la cour d'assises font l'objet d'un enregistrement sonore sous le contrôle du président. Le président peut également, à la demande de la victime ou de la partie civile, ordonner que l'audition ou la déposition de ces dernières fassent l'objet, dans les mêmes conditions, d'un enregistrement audiovisuel.

(..)

L'enregistrement sonore audiovisuel peut être utilisé devant la cour d'assises, jusqu'au prononcé de l'arrêt ; (..)  L'enregistrement sonore ou audiovisuel peut également être utilisé devant la cour d'assises statuant en appel, devant la cour de révision et de réexamen saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi.

(..)

Les dispositions ci-dessus ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure."

 

Ce qui nous intéresse spécialement aujourd'hui c'est la dernière phrase de l'article. Qui est à l'origine de la difficulté traitée par le Conseil Constitutionnel.

On comprend en lisant les premiers alineas de l'article 308, que l'enregistrement sonore du procès peut être utilisé par l'une ou l'autre des parties au procès, à divers stades de la procédure criminelle, ou lors d'une procédure en révision.

En théorie, l'enregistrement peut être être décisif si, à son écoute, il fait apparaître un élément déterminant pour la décision à venir. Dans une telle configuration, l'enregistrement peut apporter un avantage important à la partie qui en revendique l'écoute.

Toutefois, le législateur a maintenu dans l'article 308 la phrase indiquant que ce qui y est prescrit ne l'est pas à peine de nullité. Cela signifie que l'absence d'enregistrement ne peut pas être utilisée comme un moyen de contester la décision de la cour d'assises qui a débattu pourtant sans mise en oeuvre de cet enregistrement.

Mais, de fait, cela revient à permettre, sous couvert d'une difficulté technique ou d'un manque de moyens, de priver une partie d'un droit, d'un moyen d'action, sans que cette privation ait une quelconque conséquence juridique.

 

C'est pour cela que, à l'occasion d'un pourvoi contre une décision d'une cour d'assises d'appel, il a été demandé à la cour de cassation de transmettre une QPC au Conseil Constitutionnel.

Ce que la cour de cassation a accepté dans sa décision du 9 septembre 2015 (décision ici), en ces termes :

"attendu que la question présente un caractère sérieux dans la mesure où l'article 308 du code de procédure pénale, d'une part, fixe le principe de l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises, d'autre part, prévoit que cet enregistrement peut être utilisé devant la cour d'assises jusqu'au prononcé de l'arrêt, y compris lors du délibéré, ainsi que devant la cour d'assises statuant en appel et la cour d'assises de renvoi après cassation ou annulation ; qu'en outre, l'absence d'enregistrement peut influer sur l'instruction d'un recours en révision ; que, dès lors, le dernier alinéa de cet article, en ce qu'il permet de déroger au principe d'enregistrement sonore des débats de manière discrétionnaire, est susceptible de porter atteinte au droit à un recours effectif et au principe d'égalité entre les justiciables ; D'ou il suit qu'il y a lieu de la renvoyer devant le Conseil constitutionnel ; "

 

Et dans sa décision du 20 novembre 2015 (décision ici) le Conseil Constitutionnel a logiquement conclu à la non constitutionnalité de cet alinéa, en ces termes :

"Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique le droit à une procédure juste et équitable ;
Considérant que, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 308 du code de procédure pénale, les débats de la cour d'assises font l'objet d'un enregistrement sonore sous le contrôle du président de cette cour ; qu'en vertu du troisième alinéa de ce même article, cet enregistrement peut être utilisé jusqu'au prononcé de l'arrêt, devant la cour d'assises statuant en appel, devant la cour de révision et de réexamen saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi ; que, devant la cour d'assises, cette utilisation peut être ordonnée d'office, sur réquisition du ministère public, à la demande de l'accusé ou de la partie civile dans les conditions fixées par les articles 310 et suivants du code de procédure pénale ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a conféré aux parties un droit à l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises ; qu'en interdisant toute forme de recours en annulation en cas d'inobservation de cette formalité, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions du dernier alinéa de l'article 308 du code de procédure pénale doivent être déclarées contraires à la Constitution."

 

Par contre, à cause des difficultés qu'une application immédiate de sa décision pourrait générer, il a ajouté :

"Considérant, que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, d'une part, serait susceptible d'entraîner la nullité ou d'empêcher la tenue d'un nombre important de procès d'assises et, d'autre part, remettrait en cause l'absence de sanction par une nullité procédurale de la méconnaissance des dispositions de l'article 308 du code de procédure pénale autres que celles de son second alinéa ; qu'elle aurait ainsi des conséquences manifestement excessives ; que, dès lors, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2016 la date de l'abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution afin de permettre au législateur de remédier à cette déclaration d'inconstitutionnalité ; que les arrêts de cours d'assises rendus jusqu'à cette date du 1er septembre 2016 ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité."

 

Il faudra donc qu'au 1er septembre 2016 toutes les cours d'assises soient équipées d'un matériel permettant l'enregistrement sonore de tous les débats.

Mais, en plus, si un incident technique décelé à l'ouverture de l'audience ne permet pas de faire fonctionner le matériel, l'affaire devra être certainement renvoyée à une audience ultérieure.

 

 

 

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