Révision et réexamen des condamnations pénales, le nouveau cadre légal
En principe, un parcours judiciaire est le suivant : saisine d’une juridiction de première instance, appel pour un réexamen de l’affaire devant une juridiction de la cour d’appel, pourvoi devant la cour de cassation pour faire contrôler la conformité du processus et de la décision prise avec les règles en vigueur. Et cela concerne les procédures civiles comme les procédures pénales.
En matière pénale, quand bien même la dernière décision est définitive, c'est-à-dire qu’elle n’est plus susceptible de recours ordinaire, ce n’est pas forcément la fin de l’histoire. Il existe, en plus, la procédure en révision d’une part, et la procédure de réexamen à la suite d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’autre part.
La révision existe dans notre législation depuis longtemps. Il est précisé dans la proposition de loi initiale déposée le 14 janvier 2014 (texte ici) que « depuis 1989, 3 358 demandes ont été présentées à la commission de révision, qui a rendu, pour l’heure, 3 171 décisions. Parmi ces demandes, 2 122 ont été jugées irrecevables, 965 ont été rejetées et 84 seulement ont conduit à la saisine de la Cour de révision. Au total, depuis 1989, 84 décisions ont été prises par la Cour de révision, dont 51 décisions d’annulation et 33 décisions de rejet. ». (sur la révision lire aussi sur ce blog les articles de la rubrique dédiée : cliquer ici)
Le lecteur constatera que s’il est souvent prétendu que la justice n’accepte pas facilement les révisions voire par certains qu’elle rejette systématiquement les demandes, des décisions pénales ont été annulées 51 fois, ce qui n’est pas rien.
S’agissant du réexamen, il y est précisé que la juridiction saisie a « fait droit à 31 des 55 demandes dont elle a été saisie depuis 2000. »
En tous cas, le 11 juin 2014, le Parlement a définitivement adopté une loi (texte ici) en modifiant sensiblement les règles de la révision et du réexamen. Penchons nous brièvement sur quelques dispositions essentielles.
Jusqu’à présent, les cas d’ouverture d’une procédure de révision étaient définis par l’article 622 du code de procédure pénale (texte ici) :
« La révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque :
1° Après une condamnation pour homicide, sont représentées des pièces propres à faire naître de suffisants indices sur l'existence de la prétendue victime de l'homicide ;
2° Après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné ;
3° Un des témoins entendus a été, postérieurement à la condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre l'accusé ou le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux débats ;
4° Après une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. »
Le nouvel article 622, plus synthétique, est rédigé de la façon suivante :
« La révision d’une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit lorsqu’après une condamnation vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. »
La mention nouvelle de « l’innocence du condamné » permet d’ouvrir plus clairement la voie à une annulation de la décision de condamnation sans renvoi devant une autre juridiction de même nature. Renvoi à l’inverse indispensable quand il existe un doute dont une juridiction de jugement doit apprécier les conséquences à l’occasion d’un nouveau procès.
Pendant un temps, les parlementaires ont envisagé de préciser ce qu’il en était de ce « doute ». Il avait été question à un moment donné du « moindre doute ». Mais avant le dernier examen du texte par l’Assemblée nationale, il a été écrit dans le rapport des parlementaires (texte ici) : « la commission des Lois du Sénat (..) a fusionné a (..) rétabli la référence au « doute » nécessaire à l’annulation de sa condamnation, en lieu et place du « moindre doute » qui avait été introduit par l’Assemblée nationale. Bien que convaincu de la nécessité de préciser le degré de doute nécessaire à la révision afin d’inciter les magistrats de la Cour de cassation à assouplir leur jurisprudence, votre rapporteur ne souhaite pas retarder l’adoption définitive de la proposition de loi pour ce seul motif. Comme l’a indiqué Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, aux sénateurs : « votre aversion pour ces adjectifs qui visent à préciser les choses, mais qui vous heurtent et vous hérissent du point de vue d’une sémantique juridique stricte et de l’orthodoxie légistique », si elle conduit à ne « pas rétablir la notion de "moindre doute" » ne doit pas empêcher de « poser clairement, afin que les travaux parlementaires fassent foi, que tout doute, quelle que soit son importance, sa profondeur, son intensité ou son envergure, doit permettre d’examiner la requête ». Votre rapporteur souscrit naturellement à cette prise de parole forte. C’est ainsi qu’il conviendra d’interpréter le présent texte. »
S’agissant du réexamen après une décision de la CEDH, les conditions restent les mêmes (art. 626-1 texte ici) : « Le réexamen d'une décision pénale définitive peut être demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables auxquelles la " satisfaction équitable " allouée sur le fondement de l'article 41 de la convention ne pourrait mettre un terme. » La durée pour engager la procédure, toujours d’une année, a été transférée dans cet article.
La loi uniformise la liste de ceux qui peuvent saisir la nouvelle juridiction.
S’agissant de la révision, il s’agissait, outre le ministre de la justice et le condamné, de certains proches de ce dernier, l’article 623 (texte ici) mentionnant « Après la mort ou l'absence déclarée du condamné, par son conjoint, ses enfants, ses parents, ses légataires universels ou à titre universel ou par ceux qui en ont reçu de lui la mission expresse. »
S’agissant du réexamen, l’ancien article 626-2 (texte ici) mentionnait le ministre de la justice, le procureur général près la cour de cassation, le condamné, et en cas de décès ses ayants droit.
Dorénavant, dans le nouvel article 622-2 applicable aux deux procédures, sont habilités à agir le ministre de la justice, le procureur général près la cour de cassation, le condamné, les procureurs généraux près les cours d’appel, et, en cas de décès ou d’absence du condamné : « le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants, ou ses légataires universels ou à titre universel. »
Sont nouveaux le partenaire PACS, le concubin, ainsi que les petits-enfants et arrières petits-enfants.
La loi a également opéré un important changement de procédure. Jusqu’à présent intervenaient d’un côté une commission de révision puis éventuellement une cour de révision pour cette procédure, de l’autre une commission de révision puis éventuellement l’assemblée plénière de la cour de cassation ou une juridiction de même degré que celle qui a rendu la décision litigieuse.
Dorénavant il existe un seul et même circuit pour la révision et le réexamen. C’est une « cour de révision et de réexamen (CRR) qui sera chargée de l’étude de toutes les demandes. Elle est composée de 18 membres de la cour de cassation, chacune des chambres de la cour y étant représentée.
La CRR désigne parmi ses membres 5 d’entre eux composant une « commission d’instruction » (CI), les 13 autres magistrats composant la formation de jugement.
La CI statue sur la recevabilité des demandes en révision, peut ordonner des investigations puis, si la demande lui paraît recevable, elle saisit la formation de jugement.
Parce qu’il a été reproché à plusieurs reprise, au système antérieur, d’avoir deux organes successifs prenant l’un après l’autre position sur le bien fondé des demandes en révision, il a été confirmé dans le dernier rapport parlementaire (texte ici) que : « Les deux assemblées partagent le souci de remédier à la confusion des rôles caractérisant les décisions rendues par la commission de révision et la cour de révision, qui se prononcent souvent sur les mêmes éléments et parfois de manière contradictoire. De ce constat est née la nécessité de séparer strictement les deux formations en confiant à la première un rôle de filtrage objectif et d’instruction des requêtes présentées, à la seconde le soin de statuer sur celles qui ont été déclarées recevables. Pour ce faire, le Sénat a conservé la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, disposant, au nouvel article 624 du code de procédure pénale, que la commission d’instruction saisie d’une demande en révision qui n’a pas été déclarée irrecevable par ordonnance motivée de son président « se prononce sur sa recevabilité ». Conformément au nouvel article 624-2 du même code, « elle prend en compte l’ensemble des faits nouveaux ou des éléments inconnus sur lesquels ont pu s’appuyer une ou des requêtes précédemment présentées et saisit la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen des demandes pour lesquelles elle estime qu’un fait nouveau s’est produit ou qu’un élément inconnu au jour du procès s’est révélé ». Il appartiendra à la formation de jugement de déterminer si le fait nouveau ou l’élément inconnu invoqué est de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire douter de sa culpabilité. »
La formation de jugement est directement saisie d'une demande en réexamen après un arrêt de la CEDH.
A noter que bien que les débats parlementaires aient abordé la question, il n’a finalement pas été envisagé de permettre la révision des décisions d’acquittement dans les cas où un élément nouveau serait de nature à rendre plausible la culpabilité de l’accusé acquitté. (sur ce blog et sur le même sujet lire ici)